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de le montrer, quand cette science générale qu’on pourrait appeler la mécanique moléculaire sera un peu plus avancée. Aujourd’hui nous voulons nous occuper seulement du second principe. Nous essaierons de l’exposer nettement, et, si nous réussissons à le mettre suffisamment en lumière, on trouvera sans doute qu’il ouvre, non-seulement dans les questions pratiques de la mécanique, mais aussi dans les idées relatives à la constitution de l’univers, des perspectives nouvelles.


I.

On ne verra pas avec trop de surprise que la seconde loi de la thermodynamique ait donné lieu à quelques malentendus, si l’on se rappelle avec quelle difficulté le premier principe lui-même est arrivé à se préciser et à prendre la forme si nette sous laquelle nous le présentions tout à l’heure. C’est entre les années 1842 et 1845 qu’un médecin d’Heilbronn, Jules-Robert Mayer, et un physicien de Manchester, M. Joule, avaient jeté chacun de leur côté les bases de la théorie nouvelle. Plus de dix ans après, il y avait encore d’étranges incertitudes parmi ceux même qui suivaient les traces de ces novateurs. En 1855, M. Hirn, un de ceux dont les travaux ont le plus marqué en France, présentait un mémoire à la Société de physique de Berlin, qui avait mis au concours la détermination de l’équivalence entre la chaleur et le travail mécanique. Le mémoire de M. Hirn contenait la relation d’expériences faites avec un soin scrupuleux, et dont l’examen méritait une sérieuse attention. L’auteur avait fait ses essais sur une très grande échelle et les avait poursuivis pendant plusieurs années; il avait opéré sur de puissantes machines pendant leur marche industrielle; ses travaux paraissaient donc à l’abri des causes d’erreur qui entachent souvent les expériences de laboratoire exécutées avec des ressources trop restreintes. Or ce mémoire, rempli de faits intéressans, arrivait à une conclusion singulière : M. Hirn cherchait à démontrer que le rapport d’équivalence entre la chaleur et le travail variait avec les circonstances. Ce n’était rien moins que la négation du principe de Mayer. C’est ce que signalait avec étonnement M. Clausius, célèbre professeur allemand, chargé par la Société de physique de Berlin de rédiger un rapport au sujet du concours qu’elle avait ouvert. M. Clausius faisait finement remarquer à M. Hirn qu’il avait agi à peu près comme Jean-Jacques Rousseau, qui, lorsque l’académie de Dijon demandait un éloge des lettres et des arts, avait répondu à ce programme par une diatribe contre la civilisation. « La Société de physique, disait M. Clausius, demande la détermination exacte