Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/132

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

résultat incontestable de l’expérience: par conductibilité, par rayonnement, les corps tendent à se mettre en équilibre de température. Ici encore nous trouvons une transformation positive sans compensation. Le résultat nouveau qui ressort de ces recherches est donc celui-ci : les transformations négatives sont nécessairement compensées par des transformations de sens contraire, mais les transformations positives peuvent ne pas être compensées. Nous pourrons l’énoncer sous cette forme plus brève : les transformations non compensêes ne peuvent être que positives.

Arrêtons-nous sur ce fait fondamental. Et d’abord on voit sans doute maintenant par quelle considération nous avons été guidé quand nous avons stipulé que nous regarderions telle transformation, la chute de chaleur par exemple, comme positive et la transformation inverse comme négative. Nous aurions pu faire la convention contraire; mais dans chaque cas nous avons regardé comme positive celle des deux actions que nous voyons se produire directement par le jeu spontané des forces naturelles. Nous avons pu ainsi mettre tout de suite en lumière cette conséquence à laquelle nous aboutissons, et dont on ne songera pas à contester la valeur : c’est que l’univers marche dans un certain sens; à travers l’infinie variété des phénomènes naturels, on peut distinguer un sens déterminé dans lequel les transformations tendent à se produire. Il se fait sans doute un grand nombre de transformations qui sont contraires à l’ordre normal : celles-là sont détruites par une compensation; il s’en fait suivant l’ordre normal, et celles-là demeurent pour ainsi dire irrévocables.

Voilà ce que nous apprend le second principe de la thermodynamique, si nous lui donnons une extension convenable. Ce résultat vient de lui-même se placer en regard de celui que l’on a tiré du premier principe, et que nous avons appelé en d’autres occasions la conservation de l’énergie. Les deux résultats s’éclairent alors et se complètent l’un l’autre. On sait dans quel ordre d’idées les physiciens sont entrés depuis que le principe de Mayer a renouvelé la science. Ils en sont venus à considérer tous les phénomènes naturels comme des effets de mouvement. Ils se représentent dans l’univers une quantité immuable d’atomes matériels animés de vitesse et qui se groupent en systèmes pour former des molécules et des corps. Chacun de ces atomes et de ces systèmes, en raison de sa masse et de sa vitesse, possède ce que la langue technique appelle une force vive ou une énergie. Cette énergie se déplace, c’est-à-dire que les masses agissent les unes sur les autres en modifiant réciproquement leur vitesse. L’énergie passe ainsi indéfiniment d’un système à l’autre. Elle peut à certains momens croître en certaines régions de l’espace et décroître en des régions différentes;