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désignait que par le surnom de Germanicus, qui rappelait son père. Cela étonne peu les modernes, accoutumés à ne donner à la plupart des personnages romains que leur surnom. A Rome, les convenances s’y opposaient. On appelait un citoyen par son nom et par son prénom ; il n’était pas autrement désigné dans les actes officiels, sur les monnaies, sur les inscriptions ; le surnom ne venait que le dernier, et parfois il était omis. Caligula, par exemple, que les soldats avaient ainsi surnommé parce qu’il portait des petites bottes qui le faisaient ressembler à un légionnaire, Caligula, à peine sur le trône, punit sévèrement un centurion qui l’avait appelé par son surnom. Les historiens et les documens du temps le nomment toujours Caïus Cæsar. Germanicus au contraire se laissait saluer avec plaisir par un surnom qui faisait image, qui rappelait les triomphes de Drusus, qui était consacré par l’attachement populaire. L’histoire a perdu ses véritables noms : l’archéologie les cherche en vain dans les documens sans nombre qu’elle tire du sol de l’Italie ; nous les ignorons et peut-être doit-on les ignorer toujours. Rien ne prouve mieux cet amour tendre, cette familiarité en quelque sorte paternelle d’un peuple entier pour l’héritier du libéral Drusus.

Germanicus était né l’an 15 avant Jésus-Christ. Adopté par Tibère en même temps que Tibère était adopté par Auguste, il apprit l’art de la guerre avec son oncle sur les bords du Rhin. Nommé consul à vingt-sept ans, il revint à Rome prendre possession de son consulat. Il l’exerça avec tant de modération, il montra un tel respect de la justice, une telle humanité, que la tendresse du peuple redoubla. Il prenait les intérêts des accusés, les accueillait avec impartialité, mais une impartialité pleine de faveur pour ceux qu’il supposait innocens, pleine de ménagemens pour ceux qu’il croyait coupables. Soignait-il sa popularité ? Était-il entraîné par elle, semblable au nageur qui descend un fleuve, et dont il est difficile de dire s’il devance le courant ou s’il est porté par lui ? Les jeux qu’il donna, les combats de gladiateurs, deux cents lions qu’il jeta dans l’arène, n’étaient point faits pour refroidir l’enthousiasme. Son consulat expiré, il retourna en Germanie pour commander en chef les légions ; c’est là que le surprit la mort d’Auguste.


II.

Avant de rappeler ce qu’il fit à cette époque, quelles tentations vinrent l’assaillir, il est utile de retracer son portrait et de puiser aux sources. Les écrivains sont unanimes et ne contredisent point Tacite, qui est si bien acquis à Germanicus et à sa cause. Il est évident que ce grave historien ne dit que la vérité quand il loue en toute occasion le bon cœur de Germanicus, son humanité, ses ver-