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et du bétail. Une bonne moisson les rendait paresseux et imprévoyans ; une mauvaise moisson les décimait par la disette et la maladie. Une ou deux familles dans lesquelles il y avait une teinture de sang blanc donnèrent de très bons agriculteurs, les autres vécurent sur leurs terres tant qu’il leur fut possible de vendre le bois et le gibier. Lorsque le bois devint rare et que le gibier disparut, ils commencèrent à vendre la terre et à émigrer dans la contrée sauvage de Green-Bay. La plus grande partie de la tribu a maintenant quitté Oneida ; à l’exception peut-être des Walkers, tous laisseront leur ancienne crique dans un temps donné. Bill Beechtree (Guillaume Arbre de Hêtre), un de ceux qui restent, me tailla quelques cannes en bois d’hickory et me montra des arcs et des flèches qu’il façonne pour les vendre. Il ne peut et ne veut faire rien autre chose. Quoiqu’il n’ait jamais bandé un arc contre un ennemi dans sa vie et qu’il ait une voix agréable pour chanter des psaumes, il considère toute autre occupation que celle de tailler des cannes et d’embarber des flèches comme indigne du fils d’un brave. » Ainsi toute compensation semble inutile, et la population civilisée se trouve à l’égard des Indiens dans cette situation, la plus douloureuse qui puisse éprouver la conscience, de commettre l’iniquité fatalement, en sentant qu’elle la commet, et de n’avoir aucune ressource sérieuse pour réparer le mal qu’elle fait involontairement à la race rouge par le seul fait de son existence et de son activité nécessaire.

L’Indien de l’Amérique du Nord semble donc condamné par son incapacité de se transformer et de changer d’état. à y a cependant des exceptions à cette règle et même en assez grand nombre. Les Delawares, qui sont établis près de Leavenworth, dans le Kansas, et surtout les Pottowatomis de la mission catholique de Sainte-Marie se sont adonnés à l’agriculture, à l’élève du bétail, et vivent familièrement au milieu des blancs. « Les Pottowatomis ont eu le bonheur d’attirer sur leur établissement du Kansas la sage attention d’un évêque catholique. À la mission de Sainte-Marie, une demi-douzaine de prêtres ont fondé des écoles et des chapelles ; ils ont enseigné à ce peuple la religion et l’ont dressé aux habitudes de la vie domestique. Deux mille enfans reçoivent des leçons de ces prêtres. Les huttes sont mieux bâties, les bestiaux mieux soignés, et la terre mieux cultivée à Sainte-Marie que dans aucune autre colonie d’Indiens que j’aie vue, à l’exception d’une seule. » Cette exception, c’est l’existence de quelques familles Shawnees à Wyandote, sur le Missouri, qui se sont parfaitement acclimatées à la civilisation et ont mêlé leur sang à celui de la race blanche. Ces faits méritent qu’on s’y arrête, car ils proclament l’unique accusation que l’on puisse porter contre les hommes de race saxonne dans leurs rela-