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renouveler les exploits des chevaliers errans sur les malandrins de grandes routes.


« Le jour était venu quand il les attrapa, et comme ils ne le connaissaient point de vue, il entra en conversation avec eux, particulièrement avec Brownlee, en se faisant passer pour un mineur ruiné qui retournait chez lui, dans les états, et il voyagea avec eux depuis huit heures jusqu’à midi, dans l’espérance de rencontrer soit la voiture publique, soit quelque bande de marchands qui pourraient lui prêter main-forte ; mais il attendit en vain. À midi, il vit qu’il ne fallait espérer pour la journée aucune assistance, et, sentant qu’il lui fallait seul accomplir sa périlleuse besogne, il changea soudainement d’air et de voix, arrêta son cheval, et dit : « Messieurs, nous sommes allés assez loin, il nous faut rebrousser chemin.

« — Qui diable êtes-vous ? hurla Brownlee en tirant son arme.

« — Bob Wilson, dit le shérif tranquillement, et je suis venu pour vous ramener à Denver. Vous êtes accusés d’avoir volé trois chevaux. Rendez vos armes, et vous serez jugés en bonne forme.

« — Allez au diable ! rugit Brownlee en levant son pistolet. Avant qu’il eût pu en armer le chien, il avait une balle dans la tête, et il tomba à terre avec l’imprécation toute chaude sur ses lèvres. Smith et Carter, en entendant cette dispute derrière eux suivie de l’explosion d’un pistolet, se retournèrent soudainement et s’apprêtèrent à faire feu ; mais, dans sa précipitation, Smith laissa tomber son arme, et en un clin d’œil Carter gisait à terre mort. Smith, qui avait sauté à bas de son cheval pour ramasser son pistolet, joignît alors les mains.

« — Venez ici, cria Wilson au voleur survivant, tenez mon cheval ; si vous remuez, je fais feu, et vous voyez que je ne suis pas homme à manquer mon coup.

« — Vous tirez très bien, monsieur, répondit le voleur tremblant.

« — Maintenant, dit le shérif, je vais vous ramener à Denver avec les trois chevaux. Si vous les avez volés, tant pis pour vous ; sinon, vous n’avez rien à craindre ; en tout cas, vous serez jugé avec équité. »


II.

« Lorsque je suis venu ici, il y a quelques années, j’aurais donné je ne sais combien pour apercevoir à une distance d’un mille le cotillon d’une servante, » disait un colon de Denver. Il n’y a pas de femmes à Denver, mais cette ville n’est pas une exception, et l’une des causes qui retiendront longtemps dans un état de barbare anarchie ces nouveaux états et territoires, c’est l’absence du sexe féminin. Ce fait malheureusement ne s’arrête pas seulement à l’ouest, il étend sa désastreuse influence sur les États-Unis entiers. L’inéga-