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III. — LE PAIN. — LA HALLE AU BLÉ.

Sur les plans de Quesnel, de Gomboust, de Turgot, on voit très nettement la configuration de l’ancienne halle au blé. Large triangle compris entre les rues de la Fromagerie, de la Cordonnerie, de la Tonnellerie, elle était composée d’une cour fermée par de hautes maisons, et se trouvait située à peu près à l’endroit où la rue des Halles débouche aujourd’hui sur le marché. Serrée entre des voies étroites que l’accroissement de la population rendait de plus en plus incommodes, elle resta là jusqu’en 1767. Par lettres patentes en forme de déclaration datées du 25 novembre 1762, Louis XV avait ordonné que la halle au blé serait reconstruite à l’endroit même où nous la voyons aujourd’hui. Les terrains qu’elle occupe étaient jadis un vignoble où les seigneurs de Nesle firent bâtir dans les premières années du XIIIe siècle une maison de plaisance qu’ils donnèrent à saint Louis par acte authentique en 1232. C’est là que résida Blanche de Castille. L’habitation appartint successivement à Philippe le Bel, au comte Charles de Valois, à Jean de Luxembourg, qu’on appelait le roi de Béhaigne (Bohême), et qui mourut à la bataille de Crécy. Catherine de Médicis racheta en 1572 et 1573 une partie de ces terrains, et y éleva un palais magnifique qu’on nomma l’hôtel de la reine. La tour où elle montait pour étudier les conjonctions astrologiques existe encore, déguisée en fontaine et garnie d’un gnomon. De mains royales en mains royales, l’hôtel de la reine passa, le 21 janvier 1606, entre celles de Charles de Bourbon, comte de Soissons, et dès lors prit le nom du nouveau possesseur. Entré dans les domaines du prince de Carignan, il fut utilisé par Law pendant la fureur de l’agiotage; le cabinet des estampes de la Bibliothèque impériale garde une très curieuse gravure qui représente l’hôtel de Soissons et le jardin divisés en logettes, avec ce titre : Plan de la Bourse de Paris, établie par ordonnance du roy le 1er août 1720. Le prince de Carignan mourut insolvable; les créanciers firent détruire l’hôtel en 1748 et 1749, à l’exception de la colonne élevée autrefois par Bullant; elle avait été achetée par Bachaumont, qui la céda à la ville sous condition qu’elle ne serait pas renversée. La ville acquit les terrains en 1755, et dès que l’ordonnance royale eut été rendue, sept ans après, on se mit à l’œuvre. La coupole, qui exigea un long et minutieux travail, ne fut terminée qu’en 1783; en 1802, elle s’écroula. Un décret impérial du A septembre 1807 en prescrivit la reconstruction. Terminée en décembre 1811, elle n’a plus été modifiée, et nous la voyons aujourd’hui telle qu’elle était alors.

Cette halle est un bâtiment circulaire, lourd, épais, sans grâce