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Paris « le vin du roi, le vin des seigneurs, le vin des moines; » ce commerce est absolument libre aujourd’hui une fois qu’il s’est mis en règle avec le fisc. Jadis et jusque vers le milieu du XVIIe siècle, le marché aux vins se tenait sur la Seine même, dans les bateaux qui avaient amené les produits de Bourgogne. En 1656, les sieurs de Chamarande et de Baas obtinrent de Louis XIV l’autorisation de construire une halle aux vins, à la condition d’en partager le produit avec l’administration de l’hôpital-général. L’édifice ne fut guère terminé que vers 1664 ; il s’élevait quai Saint-Bernard, près la porte du même nom, en face du fort de la Tournelle, sur des terrains que la lutte d’Abélard et de Guillaume de Champeaux avait jadis rendus célèbres. Cette halle étant devenue manifestement insuffisante, Napoléon prescrivit, par décret impérial du 20 mars 1808, la création d’un entrepôt général des liquides, destiné à recevoir les vins, alcools, huiles et vinaigres expédiés à Paris par la province. Dans le projet primitif, l’établissement, s’ouvrant quai Saint-Bernard, devait s’étendre sur l’emplacement compris entre la rue de Seine (aujourd’hui Cuvier) et la place Maubert, et devait être traversé par un canal qui aurait permis d’apporter sans transbordement les marchandises au centre même de l’entrepôt. Le 15 août 1811, on posa la première pierre des constructions, qui auraient dû être complètement achevées en 1816; mais le gros œuvre ne fut élevé que vers 1818, et jusqu’en 1845 on travailla encore à mettre la dernière main à l’entrepôt, dans l’enceinte duquel, durant la première année du règne de Louis-Philippe, on avait momentanément installé la prison de la garde nationale. Couvrant aujourd’hui une superficie de 14 hectares, dont 10 sont occupés par des bâtimens, il affecte une forme trapézoïdale, et se trouve bordé par le quai Saint-Bernard, la rue des Fossés-Saint-Bernard, la place Saint-Victor et la rue Cuvier. Bâti en pierres meulières, couvert en tuiles, il est sombre et triste d’aspect.

Il est divisé en trois parties distinctes, l’une réservée aux vins, située sur le quai Saint-Bernard et formée de quatre pavillons; l’autre, presque insignifiante, consacrée aux huiles et adossée à la rue Cuvier; la troisième enfin, exhaussée sur une terrasse et renfermant trois constructions destinées aux alcools et à la cave particulière de l’administration des hospices. Le long des grilles s’étendent les bâtimens qui servent de postes aux agens de l’octroi, aux pompiers, aux employés divers que nécessite le service intérieur. 63 fontaines versent l’eau indispensable à une telle exploitation. Les vastes quadrilatères en pierre, spécialement attribués à l’entrepôt des vins, comportent 158 caves au niveau du sol, 49 caves souterraines, deux magasins partagés en 312 travées et 116 celliers; les constructions isolées, où l’on serre les eaux-de-vie, ont