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ler du haut de la chaire à l’auditoire recueilli et soumis qui se presse autour de lui. Il ne craint pas parfois de le traiter rudement, car il sait qu’on l’écoutera toujours parce qu’on ne verra jamais en lui un représentant à un titre quelconque de l’autorité civile. L’argent qu’il perçoit, soit comme casuel, soit comme contributions volontaires, forme néanmoins une charge assez lourde pour des populations aussi pauvres, et atteint même un chiffre relativement élevé. Il y a beaucoup de cures de campagne qui rapportent près de 5,000 francs. Quel que soit d’ailleurs son revenu, le curé trouve toujours quelques ressources pour faire l’aumône aux indigens.

Cette vie difficile offre d’ailleurs au clergé irlandais de grands dédommagemens pour les privations qu’il s’impose. Il jouit d’une indépendance absolue dans la sphère de ses attributions. Comme il ne demande rien au pouvoir civil, ni privilèges, ni honneurs, ni monopole, ni protection pour son enseignement, en revanche il ignore l’intervention de l’état dans les affaires ecclésiastiques. Les curés, nommés par l’évêque, n’ont à solliciter auprès de l’autorité ni permissions ni faveurs. Les évêques, nommés par le pape sur une liste de trois candidats présentés par le chapitre du diocèse, n’ont à demander au gouvernement ni mitre ni chapeau. Enfin les vieilles lois sur la mainmorte, qui entravent les donations faites à l’église officielle, ne s’appliquent pas au culte catholique. Grâce au système des trustees[1], ses cathédrales, ses églises, ses monastères, peuvent recevoir des fondations et des donations sans que la loi intervienne autrement que pour faire exécuter au besoin les clauses des actes qui les ont instituées. Elle en a largement profité, car depuis le commencement du siècle les fondations pieuses et charitables s’élèvent au chiffre de 137 millions et demi. Aussi le clergé irlandais sait-il la valeur de l’initiative individuelle et le prix de l’indépendance dont il jouit. « Nous sommes pauvres, nous disait un jour un de ses prélats les plus distingués, mais nous ne craignons pas l’appel comme d’abus, nous ne demandons pas au conseil d’état la permission de publier les bulles, nous nous réunissons en synode sans l’intervention de la police. Nous préférons cette liberté à tous les avantages qu’on pourrait nous offrir, et rien ne nous y fera renoncer. »

La subvention accordée par l’état au grand séminaire de Maynooth ne saurait en rien infirmer la comparaison présentée par M. Lowe à la chambre. En effet, elle a un but spécial et une origine particulière. Elle date de 1795. À cette époque, les catholiques étaient encore opprimés par les plus odieuses restrictions. Il y en

  1. Sorte de fidéicommissaires.