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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mai 1868.

Quand les événemens n’ont pas cette puissance de réalité qui captive et absorbe les esprits, on s’attache à l’ombre des événemens ; on la cherche dans les variations de l’opinion ou dans les paroles de ceux qui ont cet étrange et dangereux pouvoir de disposer de la destinée d’un pays. On interroge les froncemens de sourcils des Jupiters de la politique. On se donne volontiers les émotions de l’attente et des conjectures, et, faute de mieux, on passe son temps à se demander, comme on l’a fait tout récemment pendant quelques jours : l’empereur va-t-il parler à Orléans, dans cette fête agricole qui coïncide avec une commémoration de Jeanne Darc, et où il a accepté de se rendre ? gardera-t-il le silence au contraire ? Les rôles étaient distribués. Ceux qu’agitent toujours les pressentimens belliqueux croyaient à un discours qui allait dissiper toutes les incertitudes et réveiller tout à coup l’opinion. D’ailleurs n’y avait-il pas ici ou là quelque prétexte tout trouvé, quelque occupation présumée de Mayence par les Prussiens, quelque manifestation du parlement douanier de Berlin ? Cela suffisait, et puis est-il tant besoin de prétexte quand on a une belle et vaillante armée, l’envie de s’en servir et l’espoir du succès ? Ceux qui ont les goûts plus pacifiques étaient pour un silence qu’ils trouvaient plus rassurant ; ils demandaient le silence parce qu’après tout il est toujours plus facile de ne rien dire en se taisant qu’en parlant. Eh bien ! l’empereur n’a donné raison ni aux uns ni aux autres ; il a parlé et il n’a pas parlé, c’est-à-dire qu’il a parlé aussi peu que possible ; il n’a surtout pas renouvelé la surprise d’Auxerre, il y a deux ans, à pareille époque. Non, en vérité, dans la double allocution par laquelle il a signalé son rapide passage à Orléans, l’empereur n’a fait ni à M. l’évêque ni à M. le maire la confidence d’aucun mystère politique ; il ne les a entretenus ni des traités de 1815, suffisamment détruits, à ce qu’il semble, depuis