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les détruire que Jésus-Christ est venu faire le sacrifice de sa vie sur cette terre ; mais cette excommunication a été surprise à votre sainteté par des hommes profondément méchans. J’en appelle à l’église et à votre sainteté elle-même mieux informée… La triple tiare est une monstrueuse production de l’orgueil et de l’ambition, entièrement contraire à l’humilité d’un vicaire de Jésus-Christ. Les principes irascibles de ceux qui environnent votre sainteté auraient fait beaucoup de mal, si Dieu ne m’avait donné le calme et la véritable connaissance des principes sublimes de notre religion… J’ai en exécration les principes des Jules, des Boniface et des Grégoire. Ils ont fait que la moitié du monde chrétien s’est séparée de la religion catholique, et ils rendent aujourd’hui compte à Dieu de ce que leur folle ambition leur a fait faire et de la damnation de tant d’âmes que cette ambition a perdues. C’est. à votre sainteté de choisir. Moi et la France nous avons choisi… Nous ne parlons pas à votre sainteté un langage douteux et insidieux. La religion est une chose claire. Jésus-Christ et ses apôtres l’ont prêchée sur les toits afin qu’elle fût connue de tous. Voulez-vous être pape, le vicaire de Jésus-Christ et le successeur de saint Pierre, nous vous recevrons en triomphe et nous vous serrerons dans nos bras. Mais êtes-vous dominé par l’orgueil et le faste du monde, pensez-vous que notre trône doive vous servir de marchepied, nous ne vous considérerons. que comme l’œuvre du démon et comme l’ennemi de la religion, de notre trône et de nos peuples… Maintenant Rome fait irrévocablement partie de mon empire, qui forme les cinq sixièmes de la chrétienté. Vous aurez assez de soins et d’occupations quand vous voudrez vous borner aux affaires spirituelles et à la direction des âmes. J’ai la mission de gouverner l’Occident, ne vous en mêlez pas. Si votre sainteté se fût uniquement occupée du salut, des âmes, l’église d’Allemagne ne serait pas dans l’état de désordre et de désorganisation où elle se trouve actuellement. C’est depuis bien du temps que les pontifes de Rome se sont mêlés de ce qui ne les regardait pas en négligeant les vrais intérêts de l’église. Je vous reconnais pour mon chef spirituel, mais je suis votre empereur[1]. »


Les évêques que Napoléon méditait alors d’envoyer auprès du saint-père à Savone afin de lui remettre cette lettre devaient emporter avec eux les instructions suivantes :


« Tout le sénatus-consulte et rien que le sénatus-consulte. À l’avenir, les papes devront me prêter serment comme ils le prêtaient à Charlemagne et à ses prédécesseurs. Ils ne seront installés qu’après mon approbation, ainsi qu’ils étaient confirmés par les empereurs de Constan-

  1. Note insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier, t. XX, p. 69.