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Rien ne s’arrête et rien ne se perd, c’est l’A B C de la science, qu’elle s’intitule spiritualiste ou positive. Comment donc se perdrait une formule qui a fait monter à l’homme un degré de plus dans la série du perfectionnement que la loi de l’univers impose à son espèce ?

Adieu, et aimons-nous.


DEUXIÈME LETTRE.

Nohant, 20 avril.

Ma chère, si la science est triste, c’est parce qu’elle est toujours persécutée. Elle lutte, elle a l’austérité et la dignité de sa tâche écrite sur le front en caractères sacrés. Depuis ma dernière lettre, j’ai été mis au courant des faits nouveaux. La foi veut attribuer à l’état le droit d’imposer silence à l’examen. Je vous disais que ces discussions ne m’intéressaient pas. Elles ne me troublent pas pour mon compte, cela est certain. Je n’ai pas mission de défendre une école, je ne saurais pas le faire, et, bénissant ici ma propre ignorance qui me permet de me tromper autant qu’un autre, je me borne à défendre mon for intérieur contre des notions qui ne me paraissent pas convaincantes.

Mais ne pas m’intéresser à la marche des idées et aux luttes qu’elles suscitent, ce me serait tout aussi impossible qu’à vous. Nous ne sortirons pas trop de la physiologie botanique en causant de la marche générale des études sur l’histoire naturelle ; toutes ses branches partent de l’arbre de la vie.

Voilà donc que la religion nous défend de conclure ? Moi qui, par exemple, trouvais dans l’étude une sorte d’exaltation religieuse, je dois m’abstenir de l’étude. C’est une occupation criminelle qui peut conduire au doute, cela entraîne à discuter, et, comme on peut être vaincu dans la discussion, le mieux est de faire taire tout le monde. Quand on voit de quelle façon les influences finies ou près de finir se précipitent d’elles-mêmes, on est tenté de croire que les idées fausses ont besoin de se suicider avec éclat, et qu’elles convoquent le genre humain au spectacle de leur abdication. Comment, le Dieu des Juifs n’était pas assez humilié dans l’histoire le jour où en son nom le prêtre prononça la condamnation de Galilée ! il fallait donner encore plus de solennité à la chose et venir, au xix’ siècle, invoquer les pouvoirs de l’état pour que défense fût faite à la science de s’enquérir de la vérité, et pour que cette sentence fût portée : — « La vérité est le domaine exclusif de l’église ; quand elle décrète que le soleil tourne autour de la terre, elle ne peut pas se tromper ! N’a-t-elle pas l’Esprit-Saint pour lumière ? Donc toutes les découvertes, tous les calculs, toutes les observations de la