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engendre la cause de la révolution, Gentz fait preuve de plus de profondeur qu’on ne lui en attribue d’ordinaire, et la résolution de combattre le mal à sa source fait honneur à son courage. Malheureusement l’issue lui a donné tort ; ceux qui, comme lui, se piquent de ne rien concéder à la révolution et d’en repousser jusqu’au principe essentiel feront bien d’envisager les conséquences de cette prétention et de voir s’ils sont prêts à courir les risques qu’elle entraîne.

Le 9 thermidor eut pour premier effet en Allemagne de ramener les plus ardens adversaires de la révolution à un bon sens relatif. La guerre continue, plus courtoise néanmoins, contre la convention finissante et contre le directoire : non pas qu’on soit disposé le moins du monde à traiter avec la révolution disciplinée ; mais chaque changement semble en préparer un autre plus complet, et on l’accueille comme le commencement du reflux qui va laisser reparaître dans son intégrité l’ancienne société, un moment submergée. Gentz se prête jusqu’à un certain point aux efforts tentés vers ce temps par des hommes d’un esprit élevé, dont quelques-uns étaient de ses amis, pour opérer spéculativement la conciliation des idées nouvelles avec l’ancien ordre social. Ils rêvaient l’émancipation du monde et le rétablissement de l’équilibre moral par la pure intelligence, et c’est dans cette pensée que Schiller fondait avec le concours de G. de Humboldt son journal philosophique, les Heures. Guillaume de Humboldt, ami de Gentz, lui imposait par son calme imperturbable, par sa pénétration et sa puissance ; il le décida sans peine à fonder de son côté une publication d’un caractère plus politique, la Nouvelle Revue allemande, qui parut avec cette épigraphe : Iliacos intra muros peccatur et extra, témoignage d’une pensée de justice distributive et promesse d’une équité dans les appréciations jusqu’alors étrangère à l’auteur. On le voit en effet pendant quelque temps exprimer, peut-être sous l’inspiration de ses amis, des sentimens d’un sage libéralisme qu’il devait bientôt désavouer. La Nouvelle Revue allemande est encore, il est vrai, ardemment conservatrice ; Gentz y soutient avec vivacité le parti de Pitt contre Fox et contre les attaques de l’opposition. Cependant d’une comparaison régulière qu’il institue entre les différens systèmes politiques il déduit par des détours assez inutiles des principes où l’on reconnaît purement et simplement ceux du gouvernement parlementaire, tel que pouvait l’entendre un partisan des tories. Ailleurs, examinant l’ouvrage de d’Ivernois intitulé Réflexions sur la guerre en réponse aux Réflexions sur la paix (de Mme de Staël), il en vient à vanter ouvertement la constitution anglaise. Il y a plus, dans un travail où il étudie l’influence de la découverte du Nouveau-Monde sur les destinées du genre humain, il s’éprend d’enthousiasme pour