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balance du côté de l’actif, ne rétablissaient pas l’équilibre. En décembre 1863, M. Fould fut forcé d’avouer que l’ensemble des découverts, parvenus à 972 millions, dépassait la limite tracée par la prudence, et, malgré les théories qu’il avait professées l’année précédente, il dut se résigner à rouvrir le grand-livre. De là l’emprunt d’urgence autorisé par la loi du 30 décembre 1863, qui procura une ressource extraordinaire de 314,910,391 francs.

Ces grands besoins d’argent, ces expédiens multipliés seraient incompréhensibles, si on ne se rappelait qu’à l’époque où ils se produisaient, de 1862 à 1865, on était en plein dans la phase des expéditions lointaines, si dispendieuses et si peu rémunératrices. Impossible de saisir dans le dédale de notre comptabilité ce que nous ont coûté la guerre de Chine, la conquête de la Cochinchine, l’aventure du Japon, le désastre mexicain. Quant aux recouvremens, nous trouvons à l’actif de nos budgets extraordinaires que l’indemnité chinoise, soldée en six ans, s’est élevée à 56,088,368 fr., que la part de la France dans l’indemnité cochinchinoise a été de 10,080,000 fr., que le Japon nous a payé 4 millions. On pourrait dire encore de ces recouvremens qu’ils sont des espèces d’emprunts, puisque les dépenses de guerre faites pour les obtenir se sont traduites par des augmentations de la dette publique. Tristes spéculations ! il faut en convenir. Il serait bien opportun que les commissions financières appelassent d’une manière formelle l’attention des assemblées et du public sur certaines entreprises qu’on nous signale comme les conceptions d’une politique transcendante, et qui, dès qu’on met en balance ce qu’elles coûtent et ce qu’elles rapportent, semblent des défis portés au bon sens de la nation. Prenons pour exemple notre conquête de la Cochinchine. On vient de voir que ce pays nous restitue sous forme d’indemnité de guerre une somme d’environ 10 millions. Or, de l’aveu du gouvernement, qui vient d’ouvrir un compte spécial pour cette nouvelle colonie dans le budget proposé pour 1869, les dépenses de guerre et d’administration à la charge de la métropole monteront à 26 millions de 1865 à 1868 inclusivement, et nos budgets resteront grevés de ce chef d’une dépense qui ne descendra pas de longtemps au-dessous de 4 millions. Avons-nous donc de grands intérêts à protéger en ces régions lointaines ? Nous ouvrons le dernier compte de la douane, et nous constatons que les importations en France de la Cochinchine et du royaume de Siam réunies se sont élevées à 323,786 fr. Le chiffre de nos exportations pour ces mêmes contrées est un peu plus fort : il atteint 3,445,098 francs ; il faut ajouter que dans ce total figurent pour 1,260,000 francs les vins et les articles à l’usage de nos garnisons européennes.