Page:Revue des Deux Mondes - 1868 - tome 75.djvu/747

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

consciencieusement étudié ; c’est l’idée qui en est pauvre. La Jeune Romaine de M. Bailly est faible d’étude, mais heureuse d’intention. Le petit pâtre italien de M. Moreau-Vauthier, le Berger Tircis de M. Bardey, sont d’agréables études ; il faut louer surtout les jambes du Tircis. Le plâtre de M. Scholl, une Mère, peut devenir excellent ; l’ensemble est vraiment bon.

La liste serait longue, si l’on voulait rendre justice à tous les jeunes talens ; il faudrait citer le Retour des champs de M. Emile Lambert, le Jeune Saltimbanque de M. Déloye, l’Idylle un peu pâle, mais gentille, de M. Janson, la statue de Fauna par M. Doriot, très bien ajustée, le Joueur de sabot de M. Dieudonné, le Chasseur de M. Perrault, le Mousse naufragé de M. Masson, et lorsqu’on aurait fini de classer, par ordre de mérite tous ces jeunes espoirs de la sculpture, il faudrait revenir sur les œuvres importantes des artistes arrivés, louer sans restriction cette belle statue du maréchal Pélissier, par M. Crauk, discuter les deux groupes équestres de M. Frémiet avec tous les égards qui sont dus au talent d’un artiste si distingué. Il y aurait de longues plaidoiries à rédiger pour et contre le maréchal Ney de M. Jacquemart, qui est en somme le grand succès du jardin, malgré ce scélérat de chapeau qui poursuit la victime sur toile et sur plâtre bien au-delà de la tombe ! Ensuite il resterait à faire une énumération homérique des bustes au front pur, aux yeux vagues, aux draperies savamment froissées. M. Perraud a jeté en fonte un Berlioz olympien, chevelu comme une comète. M. Crauk, M. Carpeaux, M. Gumery, M. Doublemard et dix autres ont exposé des bustes remarquables. M. David d’Angers fils a fait un assez bon médaillon de son illustre et honoré père. S’ensuit-il que M. Robert David soit dès aujourd’hui le Dumas fils de la sculpture ? Non, mais les qualités de ce premier ouvrage excusent suffisamment l’imprudence d’un tel essai.

Ces jours derniers, un solitaire qui arpentait mélancoliquement les grandes salles où pend l’architecture vit apparaître un visiteur. Dans le premier mouvement de sa surprise et de sa reconnaissance, il ouvrit les bras et s’écria : Enfin, monsieur, je rencontre un homme du monde qui s’intéresse à nos travaux ! Le nouveau-venu répondit : Vous vous trompez, monsieur, je suis du bâtiment. Ce n’est pas votre exposition que je viens voir, c’est la mienne… Le même fait se reproduit à peu près un jour sur trois. Le lendemain, il n’y a qu’un visiteur à l’exposition d’architecture, et le surlendemain, pas même un. Il suit de là que les architectes sont vraiment bons de présenter leurs travaux à un public qui ne vient pas les voir, parce qu’il est incapable de lire un plan, de comprendre une coupe et même d’apprécier la façade la mieux rendue. Les citoyens