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exemple d’une telle anomalie, nous ne répondrions pas d’y croire malgré l’autorité des inscriptions ; mais elle est attestée par maint autre monument non moins extraordinaire, et l’année dernière, à Paris, la libéralité du vice-roi d’Égypte a rendu ce service à la science que la vérité de cette anomalie a été démontrée par preuves authentiques à tous les visiteurs de l’exposition universelle. Avoir vu de nos yeux cette statue de bois si vraie, si simple, si naïve, d’une bonhomie si franche, d’une exécution si parfaite, d’un réalisme si heureux, et savoir, à n’en pas douter, que l’auteur de cette œuvre a vu de son vivant hisser les pierres, dresser les gigantesques masses des grandes pyramides, qu’il sculptait il n’y a pas moins de cinq mille ans, sous la Ve ou la VIe dynastie, c’est là un enseignement sans pareil, une leçon que rien au monde ne saurait remplacer. Ajoutez-y cet héritier de Champollion, cet infatigable chercheur, ce cicerone incomparable, M. Mariette, éclairant de ses savans précis, de ses obligeans commentaires tous ces échantillons du merveilleux musée dont il est le père, qu’il a deviné, cherché, exhumé pièce à pièce sous la croûte épaissie de sables séculaires ; suivez-le, écoutez-le, soit devant ces vitrines où sont rangés tant de précieux bijoux, tant de trésors microscopiques, soit vis-à-vis de ces grandes et majestueuses statues, ou bien encore en face de ces peintures funéraires où les mœurs agricoles, les habitudes, les travaux, les instrumens favoris, les plaisirs, les friandises même des riches propriétaires égyptiens sont représentés dans les moindres détails avec une vérité saisissante, et convenez que cette terre d’Égypte, grâce au concours de tant d’heureux prodiges, est devenue la terre promise de l’archéologie, la plus abondante mine qui se puisse exploiter dans le monde savant, et pour l’esprit historique et investigateur la plus séduisante nouveauté, le plus attachant exercice.

L’Égypte cependant, en fait d’exhumation de ce genre, n’est pas encore ce que l’Orient nous réservait de plus extraordinaire. Les monumens égyptiens, presque tous en granit, encore debout pour la plupart ou ensevelis seulement à moitié, laissent voir et proclament eux-mêmes leur antique splendeur ; ces murs couverts de caractères si parfaitement visibles, de figures si soigneusement gravées, provoquaient chez les voyageurs une inquiète curiosité, même avant que la tentative d’en découvrir le sens fût encore conçue par personne. On pouvait donc à la rigueur entretenir l’espoir qu’un jour viendrait ou le mot de l’énigme serait enfin retrouvé, et où la civilisation égyptienne laisserait percer ses mystères ; tandis que cette autre civilisation non moins ancienne, non moins puissante, au dire des historiens de l’antiquité grecque et