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cachent la recette avec soin, et qui n’est autre que le rocou, sorte de matière onctueuse et rouge qui entoure la graine du rocouyer (Bixa ocellana). La plus recherchée vient de Cayenne, mais comme elle coûte assez cher, on la remplace souvent par un faux rocou composé avec des carottes et des fleurs de soucis.

Les œufs sont enfermés dans de vastes mannes qui en contiennent mille environ, tassés, pressés les uns contre les autres, et qui, par suite d’un emballage habile, parviennent intacts malgré les chocs du chemin de fer, les transbordemens et toutes les causes qui devraient pulvériser des objets si fragiles. L’année dernière, 244,141,155 œufs sont arrivés aux halles et ont produit 17,128,993 fr. 52 cent. On les vend à la manne, en raison du nombre indiqué par l’expéditeur ; mais des employés spéciaux, désignés sous le nom explicatif de compteurs-mireurs, sont chargés de vérifier le contenu des paniers et la qualité des œufs. Ces agens, au nombre de 65, remplissent une fonction qui ne laisse pas d’être pénible, car il est des saisons où chaque œuf doit être examiné avec soin, par transparence à la lumière, afin qu’on puisse constater s’il est dans des conditions de salubrité satisfaisantes. Ceux qui sont tachés, trop vieux, opaques, sont livrés à l’industrie, qui les emploie à la dorure sur bois et à la confection des colifichets destinés aux oiseaux. Les œufs tout à fait gâtés sont immédiatement détruits. C’est dans les resserres que travaillent les compteurs-mireurs, au milieu de l’obscurité, assis devant une bougie allumée et entourés de vastes paniers où ils puisent sans cesse. La moitié d’entre eux seulement est occupée à cette besogne, l’autre moitié est ambulante et va chez les fruitiers, les crémiers, vérifier la qualité des œufs qu’on offre au public. Les arrivages seraient plus considérables encore sur les halles, si l’Angleterre, très friande de ce genre de denrée, ne prenait chez nous une partie des œufs qu’elle consomme. Trente-deux producteurs appartenant aux départemens de la Seine-Inférieure, de la Somme, du Pas-de-Calais, de la Sarthe, de la Mayenne, de l’Ille-et-Vilaine, de l’Orne, de l’Eure, ont abandonné le marché de Paris et font des envois outre-Manche. Leurs expéditions amènent à Londres environ 52 millions d’œufs par année ; est-ce à cette cause qu’il faut attribuer le renchérissement excessif que les œufs ont subi en 1867 ?

Comparé au pavillon de la marée, celui où l’on vend le beurre et les œufs est assez paisible, car il est très vaste et suffit amplement aux acheteurs, qui le parcourent ; mais le bruit, l’animation, l’encombrement, ne font point défaut au pavillon n° 4, où l’on vend les volailles. Le marché y est toujours animé le lundi, le mercredi, le vendredi et le samedi, en souvenir du marché de la