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pois, les fèves, les haricots, qu’on amoncelle sous la pluie, sous le soleil. Dans la saison des fruits, à ce moment où tous les départemens de France semblent se donner le mot pour envoyer à Paris le produit des vergers, la rue Turbigo, dans la partie qui aborde la pointe Saint-Eustache, disparaît sous les paniers de prunes, de pêches, de cerises et de fraises. L’achèvement des pavillons donnera-t-il une place convenable à tous ces forains non abrités ? Il faut l’espérer ; mais Paris, sa population flottante, ses besoins, vont toujours en augmentant dans des proportions redoutables, et il est à craindre qu’au moment de terminer les halles on ne s’aperçoive qu’elles sont trop restreintes et qu’elles n’atteignent pas complètement le but qu’on s’était proposé. Déjà le pavillon de la boucherie est manifestement trop étroit ; tout y est à la gêne, les marchands, les acheteurs et les denrées ; celui de la marée suffit à peine à la foule qui s’y presse. Il est probable, si Paris lui-même ne subit pas un temps d’arrêt dans son développement, que les halles devront être modifiées d’ici à quelques années, qu’elles absorberont le square inutile et désert où l’on a réédifié la fontaine des Innocens, qu’elles s’ouvriront rue Saint-Denis par une façade monumentale où les matériaux solides auront une part importante, car il n’y a pas jusqu’à présent d’architecture possible sans pierre de taille.

Il serait à propos aussi de pouvoir abriter, ne fût-ce que par une large marquise en verre, les trottoirs du carreau où les maraîchers peuvent séjourner pour vendre leurs denrées en gros jusqu’à dix heures du matin. À ce moment, ils doivent se retirer ; les légumes dont il n’ont pu parvenir à se défaire sont portés dans la resserre publique, qui est située à côté du poste de la Lingerie ; ils les y reprendront le soir, à minuit, après avoir acquitté un insignifiant droit de garde. De cette façon, la marchandise n’est point détériorée par des transports répétés, et elle peut trouver encore un débit facile. Les charrettes, rangées autour de la halle au blé, sur les quais, sur le boulevard Sébastopol, jusque sur les places du Châtelet et de l’Hôtel de Ville, s’éloignent une à une ; tout ce quartier qu’on appelle le périmètre des halles, et que les règlemens de police isolaient, pour ainsi dire, en le réservant à un mouvement d’affaires particulier, reprend sa physionomie. Les voitures ordinaires commencent à circuler de nouveau, les forts ont fini leur travail, les inspecteurs sont rentrés dans leurs bureaux, le poste de la Lingerie, spécialement réservé aux gardes de Paris, a été relevé, une voiture cellulaire est venue chercher les vagabonds ramassés pendant la nuit ; les marchandes se sont installées derrière leur étalage, elles appellent les cliens d’une voix criarde et traînante, toutes les ventes en gros ont pris fin, excepté celle de la marée, qu’on se hâte de terminer, et qui