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de l’Italie ou des Flandres, que ruinait forcément le système du blocus continental ; mais il n’en était pas ainsi de Rome. Si la ville des papes perdait matériellement quelque chose à ne plus servir de résidence au souverain pontife, à ne plus héberger la masse des fidèles et des curieux qu’attirait chez elle la pompe éclatante des cérémonies catholiques, cet inconvénient était compensé, pour l’ensemble des états romains, par les avantages qu’ils allaient retirer de l’énergique impulsion donnée à tous les travaux utiles, à toutes les dépenses productives. La nouvelle administration se montra aussi zélée qu’intègre et merveilleusement entendue à mettre en valeur toutes les ressources du pays. L’empereur Napoléon, qui ne s’était pas dissimulé les difficultés qu’il rencontrerait à satisfaire complètement cette population de la ville de Rome, aussi molle qu’orgueilleuse, toujours pleine du sentiment de son antique grandeur et naturellement portée à fronder son gouvernement, n’avait rien négligé pour calmer ses susceptibilités et mériter ses bonnes grâces. Il avait fait aux Tuileries l’accueil le plus gracieux à une députation de huit patriciens accourus d’au-delà des Alpes pour lui apporter les complimens passablement déclamatoires de la noblesse romaine. Après avoir parlé en termes magnifiques des grands hommes de l’ancienne république, des Scipion, des Camille, puis des César, l’orateur de la députation avait fait intervenir le Tibre en personne. « Le Tibre, s’était-il écrié, le Tibre, témoin de tant de faits héroïques, de tant d’actions généreuses, lève aujourd’hui le front vers son nouveau génie tutélaire pour que vous lui rendiez sa vieille gloire, que vous seul, sire, pouvez ressusciter et augmenter encore. Justement fier déjà de deux siècles si fameux dans les fastes de l’esprit humain, le Tibre, sous votre heureuse domination, sous un règne également grand par les arts de la guerre et par ceux de la paix, espère voir renaître sur ses rives un troisième siècle, non pas seulement égal, mais supérieur à ceux des Auguste et des Léon X[1]. » — « Messieurs, avait répondu l’empereur avec une condescendante courtoisie, mon esprit est plein des souvenirs de vos ancêtres. La première fois que je passerai les Alpes, je veux demeurer quelque temps dans votre ville… La France et l’Italie tout entière doivent être dans le même système… D’ailleurs vous avez besoin d’une main puissante, et j’éprouve une véritable satisfaction à être votre bienfaiteur…[2]. » Dans l’exposé des motifs du sénatus-consulte du 17 février 1810 sur la réunion officielle des états romains à l’empire, Napoléon laisse percer le même désir de

  1. Supplemento ai documenti relativi alle contestasioni insorte tra la santa sede ed il govorno francese, t. 1er, p. 26.
  2. Allocution aux députés des états romains, 16 novembre 1800. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XX, p. 36, et Moniteur du 17 novembre 1809.