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théologiens des états pontificaux, quel trouble de conscience d’être tout à coup obligés de professer et d’enseigner publiquement les quatres propositions de Bossuet, si constamment repoussées par les canonistes du Vatican ! La plupart ne subirent point sans frémir cette pénible épreuve. Elle n’était rien cependant en comparaison de celle qui les attendait, et qui allait ébranler jusque dans ses fondemens même l’institution catholique.

Il suffirait d’avoir tant soit peu réfléchi aux conséquences des derniers événemens qui s’étaient passés à Rome pour avoir compris à l’avance qu’une crise religieuse plus ou moins prochaine, mais très grave, devait inévitablement éclater dans l’empire français à propos de la nomination des évêques. Le concordat, qui avait réglé le mode de recrutement de l’épiscopat, avait en effet supposé le maintien paisible d’un état de choses dont en réalité il ne restait presque rien. En vertu de l’article 5 du traité, la nomination aux évêchés vacans appartenait à l’empereur ; au pape revenait le droit destituer canoniquement les titulaires. Pour que ce compromis, si délicat de sa nature, reçût son entier accomplissement, il fallait à la fois que les contractans restassent ensemble sur le pied d’un suffisant accord, et chacun par rapport à l’antre dans une véritable indépendance. Ces deux conditions avaient complètement disparu, et l’action d’un rouage si essentiel au fonctionnement régulier des affaires ecclésiastiques se trouvait momentanément arrêtée. On pouvait même aisément prévoir l’instant où, l’accord ne venant pas à se rétablir entre les deux antagonistes, et Pie VII continuant à refuser d’instituer canoniquement les prêtres désignés par Napoléon, le recrutement de l’épiscopat et par conséquent celui du clergé lui-même deviendraient impossibles dans tous les pays catholiques soumis aux lois du chef de l’empire. Cependant une distinction est à faire. Quand bientôt nous aurons à nous occuper plus particulièrement des affaires religieuses de France, nous verrons que le nombre des sièges épiscopaux vacans dans les diocèses qui composaient l’ancienne église gallicane était déjà devenu assez considérable en 1810. La nécessité d’y pourvoir était véritablement urgente. En cherchant les moyens de disposer seul et à son gré de la nomination aux évêchés qui faisaient partie de l’ancien territoire français, Napoléon ne cédait donc pas tout à fait à une pure fantaisie de despote. L’intention d’agir à lui seul dans une affaire d’une nature aussi essentiellement religieuse constituait un acte d’intrusion véritable et aussi fâcheuse, suivant nous, qu’elle était violente ; mais il pouvait alléguer, sinon pour excuse, au moins pour explication de sa conduite, des motifs de nécessité et l’apparence d’un droit, tout au moins d’un demi-droit. Rien de semblable à l’égard des anciens états pontificaux. Dans les nouveaux départemens de Rome et