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bientôt à dix-neuf ; mais les évêques risquaient de recevoir leur démission pour d’autres raisons que le refus de serment. « Qu’est-ce que l’évêché de Fiesole, dont l’évêque est un membre dangereux ? écrit l’empereur à M. Bigot le 18 juin 1810. Ne serait-il pas possible de supprimer cet évêché[1] ? » Tous ces évêques à qui on avait enlevé leurs palais et leurs traitemens, dont on avait, suivant la recommandation expresse de l’empereur, saisi les biens patrimoniaux, erraient par les chemins avec leur escorte de gendarmes, sans avoir, ce sont les propres expressions de M. Bigot de Préameneu, l’argent et les vêtemens nécessaires pour continuer leur route[2]. Les évêques n’avaient pas été les seuls à refuser le serment. Beaucoup de chanoines, un grand nombre de curés de paroisses, avaient suivi leur exemple. Que faire de tous ces ecclésiastiques ? L’empereur éprit sans hésiter « qu’il faut diriger la plupart de ces évêques et les chanoines sur Pignerol, et prévenir le prince Borghèse pour qu’il prescrive les mesures de surveillance nécessaires à l’égard de ces individus[3]. » Cependant les rigueurs exercées contre leurs supérieurs, loin de calmer les simples curés de paroisse, les avaient plutôt portés à la résistance. La colère de l’empereur s’allume alors contre les plus humbles desservans des plus modestes localités. Il les bannit par bandes. « Donnez ordre au préfet du département du Taro de choisir cinquante prêtres les plus mauvais qui sont à Parme et cinquante des plus mauvais de Plaisance… Ces prêtres doivent être embarqués pour la Corse[4]. » — « Quant aux prêtres Boni, Ascensi et Toni, qui n’ont pas prêté serment, écrit-il plus tard, le 17 février 1811, dirigez-les sur Toulon, et là seulement vous leur ferez signifier qu’ils vont en Corse. Vous donnerez des ordres pour leur embarquement[5]. » Le 2 mars, il reprend la plume pour commander de nouvelles arrestations, et c’est par des chiffres ronds qu’il procède, en prenant soin de les augmenter toujours. « Je désire que cent autres prêtres des plus mauvais soient dirigés de Parme et de Plaisance sur la Spezzia et de là embarqués pour la Corse. Faites part de ces mesures au ministre de la police, et envoyez en Corse les fonds nécessaires.

  1. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, 18 juin 1810. — Cette lettre n’est pas insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.
  2. Rapport de M. Bigot de Préameneu à l’empereur, qui ordonne à son ministre de couvrir leurs dépenses avec le budget du ministère des cultes, juin 1810.
  3. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, 20 juin 1810. — Cette lettre n’a pas été insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.
  4. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, 3 février 1811. — Cette lettre n’est pas insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.
  5. Lettre de l’empereur à M. le comte Bigot de Préameneu, 17 février 1811. — Cette lettre n’a pas été insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.