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resterait libre. Sous les Séleucides et à mesure que les relations commerciales s’accrurent entre les bassins de l’Euphrate et de l’Indus et celui de la Méditerranée, elle atteignit un très haut degré d’opulence. Station centrale des grandes caravanes qui convergeaient vers ses murs et en divergeaient dans une foule de directions, elle devint un entrepôt colossal et un grand marché. Ses habitans contractèrent le goût de la spéculation mercantile et allèrent gagner de grandes fortunes dans les pays de consommation. Par suite de ce vif désir de rapatriement que l’on peut constater chez les commerçans originaires des petits pays, tels que la Hollande et la Suisse, il semble que les Palmyréniens établis au loin aient aimé à revenir passer leurs derniers jours dans l’oasis natale. Il est rare en effet de rencontrer ailleurs tant et de si grands monumens érigés par des particuliers, comme l’indiquent beaucoup d’inscriptions. Ils se plaisaient sans doute à consacrer leur opulence à l’embellissement de leur ville, en reproduisant en plein désert les merveilles architecturales des villes grecques. De là ces portiques corinthiens, ces colonnades hardies qui font un effet si étrange au sein d’une région où l’on s’attendrait à voir se dresser la tente d’Ismaël plutôt que l’imitation des Propylées. La constitution du petit état était celle de nos villes de commerce au moyen âge, la république aristocratique. On était nominalement sous le sceptre du roi de Syrie ; mais comme celui-ci respectait, et pour cause, les franchises municipales de Palmyre, on ne s’inquiétait guère d’une suzeraineté qui avait aussi ses avantages, puisqu’il était le maître des parts de mer. Les Romains consacrèrent cet état de choses. Palmyre fut considérée comme une colonie avec des libertés locales très étendues et la mission de servir de poste avancé à l’empire contre les incursions des Arabes et les invasions des Parthes ou des Perses. La prospérité de l’heureuse ville ne fit donc que s’accroître, et le moment arriva enfin où l’ambition politique s’empara de ses habitans.

Ce moment doit avoir coïncidé avec l’élévation au trône impérial de ces femmes de la race sacerdotale d’Émèse qui, de Septime à Alexandre Sévère, exercèrent une action si marquée sur la politique de l’empire et même sur la direction des idées philosophiques et religieuses[1]. Le Syrien, l’Oriental, acquit depuis lors une importance auparavant inconnue, et put se croire appelé à de hautes destinées. L’amie de Paul de Samosate, Zénobie, est une Julia Domna plus entreprenante et plus illustre encore que son impériale devancière.

L’époux de Julia, Septime Sévère, voulant fortifier la frontière

  1. Nous avons tâché de décrire, cette influence dans l’étude sur Apollonius de Thyane ; voyez la Revue du 1er octobre 1865.