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était Junius. Vous vous rappellerez que je vous ai dit que j’étais occupé de publier la vie, les papiers et la correspondance de sir Philip Francis, et que je croyais pouvoir démontrer par une masse de circonstances formant preuve directe et nouvelle qu’il était l’auteur exclusif de Junius. Je ne puis compter que vous me croyiez jusqu’à ce que je vous aie envoyé mon ouvrage ; mais, s’il existe telle chose que la raison humaine, je pense accomplir la démonstration. Cependant je désire ne laisser aucune source de découverte inexplorée afin d’accumuler les preuves.

« Je ne suis pas, dit Bifrons, profondément versé dans la lecture des auteurs réputés les meilleurs casuistes de profession, mais je me souviens d’avoir vu Busembaum, Suarez, Molina et une vingtaine d’autres livres de jésuites brûlés à Paris pour leur meilleure casuistique par la main du bourreau. »

« Maintenant le fait ou l’allégation de Junius, de sa présence à cette exécution en 1767 ou 68, peut être ou n’être pas vraie. Ce peut être une fiction d’un écrivain plein d’art ; mais j’incline à croire que le récit est exact. C’est du moins une probabilité, certainement une possibilité, pourvu que les livres désignés des jésuites aient été brûlés à Paris du temps que Junius avait âge d’homme. Or on rapporte que le fait a été plusieurs fois répété, particulièrement en 1761 ; mais cette année la guerre séparait la France et l’Angleterre. Ni sir Philip Francis, ni aucun sujet britannique ne peut alors avoir été à Paris à moins d’être prisonnier de guerre, et j’ignore s’il y a eu d’autres livres de jésuites mis au feu entre 61 et 68. Je ne crois pas que, jusqu’en 1758, le jeune Francis ait été en France ; mais je vois par une lettre de lui du 1er juin 1764 qu’il projetait un voyage en France pour le mois suivant. Francis exécutait toujours ce qu’il voulait, et j’ai peu de doute que cette année ou la suivante il ait visité la France et Paris. Auriez-vous la bonté de rechercher si dans tette période de paix on a brûlé des œuvres de jésuites ?

En 1767, Francis alla voir en Flandre son père, qui était malade. Point de lettre, rien d’autre qui prouve qu’il ait alors poussé jusqu’à Paris. La seule date exacte d’un séjour dans cette ville résulte d’une lettre à lui adressée le 9 décembre 1772, à l’hôtel d’York. Il revenait alors de son tour en Italie. En s’y rendant quelques mois auparavant, il pouvait avoir traversé Paris ; mais diverses circonstances me donnent la conviction qu’il avait visité Paris quelques années plus tôt.

« A la vente de sa bibliothèque, malheureuse dispersion de ses livres, a figuré un petit volume in-12 que j’ai en ma possession intitulé : Sur la destruction des jésuites en France, par un auteur désintéressé, avec une épigraphe tirée de Tacite. Point de nom d’imprimeur ni d’éditeur sur le titre, seulement la date de 1765. Cela me semble imprimé en Angleterre parce que le volume est relié avec un autre ouvrage français : Fanni ou