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au sommet d’une montagne : ainsi se décident et s’achèvent les victoires de la liberté suisse.


« Alors, au milieu du combat, parurent comme un éclair trente braves soldats de la fidèle Schwyz ; alors l’inquiétude s’empara de ces hommes vantards, et ils s’écrièrent : Sauve qui peut ! Ils fuirent le long de la Linth jusqu’aux joncs de la plaine !

« Au pont de Wesen, un bon coup à boire les attendait ; le pont se brisa et bien des chevaliers plongèrent. Ceux qui ne plongèrent point là, ceux qui n’en eurent que jusqu’au mufle, burent dans la Limmat et furent noyés dans le lac. »


Les chevaliers demandent grâce, ils offrent de l’or, on ne les écoute pas ; c’est une tuerie générale. Une fois la bataille terminée, on compte les cadavres sur le champ de Naefels ; la ballade n’exprime qu’un regret, celui de ne pouvoir compter ceux qui sont au fond de la rivière et du lac.

On pense bien que le poète de Zurich tire un voile sur ces atrocités ; mais ce qu’on ne peut imaginer à moins de l’avoir lu, c’est le romanesque dénoûment de la pastorale de Gessner. Le vieillard raconte qu’au milieu du combat, ayant été foulé aux pieds par un cheval, il a eu une jambe brisée. Un de ses compagnons le charge sur son épaule et le confie à un bon religieux qui est en oraison là tout exprès pour le recevoir. Il se trouve que le jeune chevrier qui entend le récit est le fils du compagnon d’armes qui a sauvé le blessé. Explication touchante et reconnaissance, suivie d’un mariage entre le chevrier et la fille du bon vieillard. Tous les détails de l’églogue sont ainsi justifiés, même la jambe de bois, laquelle seule manquait pour rendre la ressemblance frappante entre le vieux combattant de Naefels et un brave sergent de la garde suisse blessé à Fontenoy ou à Raucoux.


II. — LA GRANDE NATIONALITE ALLEMANDE.

Nous avons trouvé dans les ballades historiques les échos des combats soutenus pour la liberté. Voici d’autres batailles plus rapprochées de nous par le temps, plus intéressantes peut-être, soit pas le bruit qu’elles ont fait dans l’histoire, soit par la nature des questions que la victoire y a tranchées. Ce sont encore des accens guerriers que nous allons entendre, des champs de baille nouveaux que nous devons parcourir avec le lecteur ; mais il ne s’agit plus seulement de liberté. Une nation s’est formée dans ces hautes vallées où les hommes dispersés se contentaient jusque-là, de leur indépendance personnelle.