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d’obtenir de la chambre le vote de quelques milliers de thalers pour le traitement des juges suppléans de la cour suprême ; mais c’est de ces juges suppléans que le gouvernement s’est servi l’année dernière dans une tentative contre l’inviolabilité parlementaire, c’est avec ces juges qu’il a fait condamner un député pour un discours qu’il avait prononcé dans la chambre ; en d’autres termes, le ministère avait mis de côté pour la circonstance les juges titulaires, attendant plus de complaisance des suppléans, et il ne s’était pas trompé. Un député encore sous le poids de ce souvenir a proposé le rejet de l’allocation demandée pour ces jugés de si bonne volonté, et il a été appuyé. C’est alors que le ministre de la justice, M. Leonhardt, un vrai bureaucrate hanovrien recruté par M. de Bismarck, s’est emporté au point de défier la chambre, de déclarer qu’il n’en ferait ni plus ni moins, quel que fût le vote, — qu’il ne recherchait pas un conflit, mais qu’il était prêt à l’accepter, — et il a en la naïveté d’ajouter qu’il n’avait nulle envie de faire de la coquetterie avec les partis politiques, qu’il n’avait aucune disposition libérale. On s’en serait presque douté. La chambre n’a pas moins voté la suppression du traitement des juges suppléans. De là une agitation extrême en présence de cette menace de conflit. Jusqu’ici cependant il n’en a rien été. M. de Bismarck arrivait heureusement sur ces entrefaites à Berlin. Il aura trouvé sans doute que son collègue, M. Leonhardt, en bon Hanovrien pressé de faire du zèle, marchait trop sur ses traces, et qu’il n’appartenait qu’à lui seul de traiter si lestement les chambres. Lui, c’était an gentilhomme qui en rudoyant les députés méditait l’agrandissement de la Prusse. M. Leonhardt est un annexé qui ne peut se passer de telles fantaisies à l’égard des vieilles libertés prussiennes. Ce qui est certain, c’est que tout est apaisé pour le moment par une note semi-officielle qui est une espèce de rétractation du ministre de la justice. En maintenant la paix à Berlin, M. de Bismarck voudra Bien peut-être la maintenir en Europe.

Si l’Espagne, comme la Prusse, n’avait que des conflits prompts à s’apaiser sous la main d’un homme que la fortune a gâté, elle serait heureuse. Elle n’en est pas là ; chaque jour au contraire elle voit se déployer et s’aggraver les redoutables conséquences d’une révolution que nul n’a su diriger. Ce qui était facile à prévoir arrive aujourd’hui. La lune de miel de la révolution de septembre est passée, c’est l’insurrection qui se montre avec tous ses périls ; elle a commencé dans la petite ville de Puerto Santa-Maria, près de Cadix, elle est allée se barricader à Cadix même, ou 3, 000 insurgés ont résiste pendant quelques jours avant d’être obligés de déposer les armes. Le gouvernement provisoire et ses partisans croient faire illusion en répétant que cette insurrection ne peut être que l’œuvre de la réaction et des agens de la reine Isabelle ; elle est tout simplement la suite d’une politique qu’on a suivie depuis