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serverons-nous jamais dans la circulation que le métal le plus déprécié? Pour changer notre argent contre de l’or jusqu’à concurrence de 3 milliards peut-être, il nous en a coûté, en supposant une prime de 2 pour 100 en faveur de l’argent, environ 60 millions; mais au moins nous avons gagné d’avoir une monnaie plus commode et plus en harmonie avec les besoins de l’avenir. Si maintenant nous allions perdre notre or parce qu’à son tour il aurait une prime à peu près égale sur l’argent, nous aurions subi un double dommage qu’on peut évaluer à 120 millions, le tout pour revenir à la monnaie la plus incommode, et dont personne ne veut plus. — Cette donnée est très sérieuse; elle appelait un nouvel examen de la question. Notre gouvernement ne tarda pas en effet à ouvrir une nouvelle enquête en adressant une circulaire aux trésoriers-payeurs-généraux et aux chambres de commerce. Cette circulaire leur posait diverses questions. « 1° Quelle est la proportion approximative des valeurs en pièces de 5 francs argent, comparée à la valeur totale de la monnaie d’or, que l’on peut présumer être actuellement en circulation ? 2° Le public aurait-il répugnance à voir l’or devenir l’instrument exclusif des paiemens pour les sommes au-dessus de 50 fr., ou pour une somme un peu supérieure, s’il y avait lieu? 3° Les pièces de 5 francs sont-elles achetées avec prime par rapport à l’or pour quelques usages et emplois commerciaux particuliers, — par exemple pour l’exportation dans telle ou telle direction? 4° Sont-elles achetées avec prime pour l’usage intérieur en France, comme l’or l’était autrefois, avant 1848 par exemple? 5° Y aurait-il un intérêt commercial quelconque à ce que, si l’or était adopté comme seule monnaie normale, il fût frappé des pièces de 5 francs argent au titre actuel et sans cours obligatoire dans l’intérieur de la France, enfin comme simple monnaie de commerce? 6° Dans le cas où le gouvernement adopterait l’or dans les conditions définies par la loi de l’an XI comme étalon unique, trouverait-on préférable au goût des populations et aux besoins de la circulation que la pièce de 5 francs fût entièrement supprimée, ou qu’elle fût frappée à 835 millièmes de fin, et ne pût dès lors être imposée dans les paiemens au-delà d’une certaine somme? »

Il y a dans ces questions plus que des faits à apprécier, il y a des inductions à établir. Les trésoriers-payeurs-généraux et les chambres de commerce étaient assurément fort à même de faire connaître la quantité de pièces de 5 francs argent qui pouvaient rester dans leurs départemens, de dire si on les achetait avec prime et en vue de quelle destination; mais ils n’avaient pas la même autorité pour déclarer s’il y avait lieu de procéder au remplacement définitif de l’argent par l’or, et ce qu’on devrait faire de l’argent, une