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gagner. Les rapides avantages remportés par les Français avaient frappé les ennemis de stupeur. Ils avaient espéré que Du Guay-Trouin viendrait les chercher dans leurs retranchemens, ils comptaient en avoir aussi bon marché que de Du Clerc ; mais, voyant qu’il se contentait de presser les travaux de siège et que bientôt il ouvrirait la tranchée, ils se reprenaient à trembler. Les noirs, assez bien disciplinés, mais ayant plus de courage que de fidélité, pouvaient trahir d’un moment à l’autre. Aussi les principaux habitans abandonnaient la ville et se retiraient dans les montagnes avec leurs richesses et leur famille.

Dom Gaspard d’Acosta voulut faire une sortie pour remonter le moral de ses troupes. Il marcha en effet avec 1,500 hommes à l’attaque de la colline qu’occupait le chevalier de Courserac ; il fut arrêté à moitié chemin par une maison crénelée que gardaient une quarantaine de matelots. Un combat acharné s’engagea. Du Guay-Trouin, mettant les troupes sous les armes, fit peser de tout son poids la brigade de M. de Courserac sur les assaillans ; puis, ordonnant à 200 travailleurs de gagner le revers de la colline, il les jeta au milieu d’eux en flanc et en queue au moment où ils battaient en retraite. Cette diversion causa le plus grand mal aux Portugais, qui rentrèrent dans Rio-Janeiro plus découragés que jamais. Tandis que Du Guay-Trouin remportait ce succès, MM. de Beauve et de Blois, qu’il avait chargés de construire une batterie de 10 canons sur une presqu’île qui prenait à revers une partie des retranchemens des Bénédictins, l’avertirent que la batterie était prête. M. de La Ruffinière lui fit dire également qu’il avait sur l’île aux Chèvres 5 mortiers et 18 pièces de canon de 24, et qu’il ouvrirait le feu au premier ordre. Tout était donc disposé pour une action décisive ; mais auparavant Du Guay-Trouin envoya sommer dom Francisco de Castro de rendre la ville et d’accorder une éclatante réparation pour les mauvais traitemens qu’on avait fait subir à Du Clerc et à ses compagnons. Le gouverneur répondit que la justice avait fait chercher les assassins du capitaine français sans les pouvoir trouver, et, quant à la ville, qu’elle lui avait été confiée, et qu’il la défendrait jusqu’à la dernière goutte de son sang. Il n’y avait plus à hésiter. Du Guay-Trouin se prépara pour l’assaut. Le 19 et le 20 septembre, toutes les batteries jouèrent à la fois, et le 20 au soir la brèche était praticable en plusieurs endroits. La principale attaque devait être donnée du côté de la mer contre les Bénédictins ; mais, pour qu’elle réussît, il fallait y jeter d’un seul coup un grand nombre de troupes. C’était difficile, parce que les embarcations des vaisseaux seraient forcées de faire plusieurs voyages, et que les premiers débarqués ne seraient pas suffisamment soutenus. Pour