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riosité ; les autres n’ont qu’un médiocre succès, elles ne répondent à rien et ne conduisent à rien, elles passent sans résultat et sans bruit, comme des dialogues inutiles qui s’épuisent faute d’aliment, ou qui s’arrêtent toutes les fois qu’ils touchent au point intéressant. Par une contradiction bizarre, c’est l’interpellation du corps législatif sur les réunions publiques qui a le moins réussi, qui a été évasive, écourtée, pleine de banalité et de froideur, sauf une intervention incidente de M. Émile Olivier, qui a vainement essayé de la relever et de l’animer ; c’est au contraire l’interpellation du sénat sur la presse qui a eu de la vivacité, même de l’imprévu, et qui a eu en définitive le plus de retentissement. Le sujet était pourtant à peu près le même. Des deux côtés, il s’agissait de la politique du 19 janvier, des lois nouvelles qui en sont la réalisation, en un mot de cette expérience d’une semi-liberté laborieuse et précaire qui se poursuit aujourd’hui.

D’où vient cette différence de fortune entre les deux discussions ? C’est que dans le corps législatif le débat était évidemment mal engagé. Puisque personne, parmi ceux qui interpellaient Le gouvernement dans un intérêt conservateur, n’avouait la pensée de mettre en cause la loi nouvelle sur les réunions, et que d’un autre côté personne, pas plus l’opposition que tout autre parti, n’avait à défendre ce qui se dit dans ces réunions, la question tombait d’elle-même, ou, pour mieux dire, il n’y avait plus de question, il n’y avait que de l’embarras ; pour tout le monde, pour ceux qui interpellaient sans rien demander, pour le gouvernement, qui avait à répondre sans savoir à qui parler, pour l’opposition elle-même, qui aurait pu se porter à la défense d’un droit, s’il eût été attaqué, mais qui n’avait pas à se faire la patronne des excentricités oratoires des clubs, — et le combat a fini faute de combattans. On n’en sait pas plus après qu’avant, sur ces réunions populaires, sur leur rôle moral ou politique, sur ce qui leur est permis ou leur est défendu, si ce n’est que le gouvernement, armé d’une loi pour laquelle il professe un amour tout paternel, est parfaitement décidé à s’en servir, surtout quand il y trouvera son intérêt, ce dont on se doutait un peu. Ce dialogue entre l’honorable M. de Benoist, un député qui a des succès d’agriculteur dans la politique, et l’honorable garde des sceaux, M. Baroche, a manqué manifestement son but ; il n’a pas même offert au gouvernement l’occasion de se poser en médiateur tout puissant, promettant aux âmes craintives de continuer à les sauver des déchaînemens anarchiques, et garantissant les libertés nouvelles contre toute réaction. Tout bien examiné, on était d’accord, ou l’on paraissait s’entendre pour ne pas aller plus loin, c’est-à-dire qu’on n’avait rien fait, et c’était bien le moins qu’on invoquât de toutes parts l’ordre, du jour, cette providence des discussions inutiles. Le corps-législatif n’a pas fait, là une brillante entrée en campagne.

Au sénat, la chose est tout autre. Ici non plus sans doute, personne ne