Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/1038

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tivité. Jusqu’ici du moins, dans les termes sommaires où se présente la question, rien n’empêche M. le préfet de la Seine de décréter de son autorité propre une multitude de travaux qui échapperont nécessairement au corps législatif, et pour l’exécution desquels il saura bien se tirer d’affaire. Ou le contrôle sera étendu et précisé par la loi qui va être discutée, ou il sera illusoire ; il laissera une liberté dont on usera dans l’avenir comme dans le passé, et le corps législatif verra retomber sur lui tardivement la responsabilité de ce qu’il n’aura pas autorisé. C’est tout juste comme dans la politique, et voilà pourquoi nous avions quelque raison de voir dans l’administration de M. Haussmann un spécimen particulier d’un régime qui ne s’harmonise plus avec les conditions nouvelles, de représenter M. le préfet de la Seine comme un de ces types d’omnipotence qui deviennent embarrassans quand on reprend le goût des garanties réelles, qui résument en eux-mêmes les contradictions, les difficultés d’une transition laborieuse. Sur ces affaires de la ville de Paris, en un mot, va se livrer certainement une sérieuse bataille politique. La question est de savoir à qui restera la victoire, aux habitudes traditionnelles de prépotence administrative ou à l’esprit renaissant de garantie et de libre contrôle ?

La victoire, nous l’espérons encore, elle restera à l’esprit libéral, comme elle est en ce moment à la paix dans la politique extérieure, qui aurait elle-même échappé à bien des méprises, à bien des erreurs, par une intervention plus directe du pays. Aujourd’hui c’est la paix qui revient d’Orient. La Grèce paraît avoir adhéré purement et simplement aux propositions de la conférence réunie à Paris il y a quelques semaines. La conséquence sera que la Sublime-Porte, renouant les rapports diplomatiques qu’elle avait rompus, renverra d’ici à peu un représentant à Athènes, que l’ultimatum turc sera naturellement retiré, et que les relations des deux pays se trouveront par le fait rétablies dans les conditions anciennes. C’est une bourrasque que la paix européenne a traversée et où elle aurait pu assurément sombrer. Il ne faut pas croire en effet que cet esprit de conciliation dont l’Occident réuni s’est fait l’organe ait triomphé sans peine, qu’il n’ait rencontré ni difficulté ni résistance. Malheureusement en Orient tout est organisé pour une lutte qu’on peut ajourner encore, mais qu’on n’empêchera point, parce qu’elle est dans la nature des choses, parce que les élémens hostiles sont toujours prêts à se heurter. D’un côté, à Constantinople même, on n’en peut douter, il y avait un parti de la guerre représenté principalement dans les dernières crises par le ministre de la guerre, Namik-Pacha, et poussant à des mesures extrêmes. Il y a eu un instant, dit-on, où ce parti, servi par le jeune fils de Namik-Pacha, Djemil-Bey, premier chambellan du sultan, se croyait presque sûr de la victoire. Il s’agitait fort, menaçant la position du grand-vizir, Aali-Pacha, qui naturellement n’était pas disposé à