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lapins, faisans et perdreaux. Il n’y a pas maintenant plus de braconniers qu’autrefois, bien au contraire ; le métier est gâté. On est surveillé par les yeux jaloux des porteurs de permis de chasse, qui chaque année deviennent plus nombreux ; on est traqué par les gardes champêtres et les gendarmes ; les grands bois disparaissent, et avec eux les sûrs asiles. L’Allemagne et jusqu’à la Russie approvisionnent Paris de gibier, et font une rude concurrence au chasseur interlope. Pour peu que cela dure, le dernier braconnier ira rejoindre à l’Opéra le dernier brigand. En outre, quel que soit le nombre des braconniers de profession, des chasseurs au piège, il ne faut pas croire que leur tâche soit si facile, et qu’ils n’aient qu’a se baisser pour remplit leur sac. Il y a trois catégories de pièges, — collet, trébuchet et filet. Le premier piège à toute proies n’est autre chose qu’un licol auquel un nœud coulant permet de se refermer. Un peu de crin ou de laiton suffit pour faire un collet ; mais, si l’engin n’est pas admirablement fabriqué, c’est peine perdue d’en attendre l’effet. Il faut, pour bien établir un collet, des mains habiles ; il faut plus d’exercice encore et plus d’habileté pour le poser. Un jour, le lieu est mal choisi, un autre jour, on a placé l’engin trop bas ou on ne lui a pas donné une ouverture suffisante. Si le collet est mal dissimulé, le gibier s’en défie et se garde d’en approcher ; s’il n’est point assez solidement attaché, l’animal l’entraîne avec lui, et fréquemment s’en débarrasse. Enfin, partout où s’est pris un lièvre, un lapin, aucun autre ne se prendra. Le trébuchet, piège d’adolescent, n’est guère profitable qu’en hiver, et les oiseaux sont bien affamés quand ils s’y risquent. Pour la chasse aux filets, elle exige un matériel coûteux, difficile à manier, et rapporte bien moins qu’on ne croit. M. Sclafer parle d’alliers de deux cents toises bisses chaque soir à grand’peine et abandonnés au bout de peu de temps parce qu’on n’y prenait que cinq grives par jour en moyenne pendant toute la durée du passage des grives. En résumé, M. Sclafer, habile, passionné, muni d’un armement considérable, agissant sans gêne sur le domaine paternel, garnissant les haies, les vignes, les bois de doubles étages de pièges, donne, d’après un registre dont il garantit l’exactitude, le relevé suivant de ses chasses annuelles : il n’a pris chaque automne (et nous avons peu de peine à le croire) que cinq ou six lièvres, vingt ou trente lapins, deux ou trois renards, autant de blaireaux ou de fouines et deux douzaines de perdrix. « Qu’un lièvre soit signalé dans un champ, ajoute-t-il, qui en aura, croyez-vous, plus tôt raison, ou du chasseur qui va à lui avec un chien et un fusil, ou du braconnier qui lui tend à la dérobée un lacet ? Qu’il y ait une compagnie de perdreaux dans la vigne prochaine, lequel l’aura plus vitement dépêchée ou du fusil ou du collet ? Je tiens, moi, que ce sera le fusil… »

Oui, certes, ce sera le fusil, et nous dirons même&ce propos que les perfectionnemens industriels peuvent être comptés parmi les plus notables causes de la diminution du gibier. En fait de chasse, il y a presque