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loppement récurrent » lui-même, ce phénomène singulier qui nous montre l’animal parfait très inférieur à sa larve au point de vue de l’organisation, trouve encore dans cette manière de voir une interprétation satisfaisante, et révèle les transformations régressives qui ont donné naissance à certains types inférieurs.

Dans les applications de sa doctrine à l’embryogénie, Darwin ne compare guère les uns aux autres que les représentans d’une même classe, et tout aux plus ceux de l’embranchement des vertébrés. Il ne passe pas d’un embranchement à l’autre, et semble s’arrêter devant une généralisation complète. J’aurais aimé à voir le savant anglais aller jusqu’au bout, et il le pouvait certainement sans se montrer beaucoup plus téméraire que nous ne l’avons vu jusqu’ici. Si toute phase embryonnaire semblable ou seulement analogue atteste entre les animaux les plus différens une descendance commune, il doit en être à plus forte raison de même lorsqu’il y a identité au point de départ. Or cette identité, au moins apparente, existe entre tous les êtres vivans, à la condition de remonter assez haut. À leur début premier, tous les animaux se ressemblent et ressemblent aux végétaux : l’œuf, la graine, où se développera l’embryon et qui le contiennent virtuellement, débutent partout de la même manière. L’un et l’autre ne sont d’abord qu’une simple cellule. L’embryogénie nous ramène donc soit au prototype de Darwin, soit à quelque chose de très semblable. Pourquoi ne pas voir dans la cellule ovulaire le représentant de cet ancêtre commun de tout ce qui vit ? La loi d’hérédité à terme, une des plus heureuses inventions de l’auteur, n’est-elle pas là pour expliquer les phases qui séparent cette forme initiale de la forme indécise du vertébré à peine ébauché, comme elle a interprété le passage de celui-ci au type accentué de reptile ou de mammifère ? Tel est évidemment le dernier terme des idées darwiniennes appliquées à l’embryogénie.

La théorie de Darwin ne se borne pas à grouper les phénomènes présens et passés du monde organique, à les interpréter les uns par les autres ; elle permet encore de jeter un coup d’œil sur l’avenir et de prévoir jusqu’à un certain point ce que seront les faunes, les flores qui succéderont aux plantes, aux animaux que nous connaissons. Rappelons-nous les phénomènes généraux du développement et de l’extinction des êtres. En général, les genres qui ne comptent que peu d’espèces, les espèces représentées par un petit nombre d’individus, sont en voie de disparaître ; au contraire toute espèce largement développée et à laquelle se rattachent un grand nombre de variétés, tout genre composé de nombreuses espèces répandues sur de vastes espaces, attestent par cela même leur vitalité, et réunissent les conditions nécessaires pour l’emporter dans la bataille de la vie. En vertu des lois que nous avons ex-