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ouvertes. Dans quel monde se passent de telles aventures? disait-on autour de nous. Il faut en effet la merveilleuse dextérité de l’auteur pour débrouiller son écheveau à travers ces intérêts inconciliables et ces contradictions. L’esprit sauve tout, la facture emporte le fond: l’action est invraisemblable, qu’importe? Elle pétille, elle éclate, on n’y voit que du feu. C’est surtout dans le caractère d’Yvonne que triomphe cette habileté de l’ingénieux dramaturge; dévouée à un parrain qu’elle connaît à peine, enchaînée à cette mère qui la terrifie, respectueuse et indifférente pour le bonhomme qu’elle appelle son père, subitement éprise d’un jeune étourdi qui est venu l’insulter chez elle, docile à celui qui l’enlève, docile à ceux qui la ramènent, elle jouerait le plus étrange personnage, si sa candeur, un sens naturellement droit, des réponses fines et charmantes, ne la préservaient du ridicule.

Auprès des personnages principaux, faut-il nommer les figures accessoires? Il y a là deux groupes qui se répondent comme la strophe et l’antistrophe, les dévots d’un côté, de l’autre les indévots: ici M. de Planterose, gendre de la baronne, et M. Robert de Montignac, neveu du contre-amiral, là le bon M. Chapelard et son filleul Sulpice. Certains libres penseurs pourraient bien chercher noise à M. Sardou, car son matérialiste, M. de Planterose, souvent aimable, spirituel, très utile surtout pour dénouer l’imbroglio, se permet çà et là des facéties du plus mauvais goût, disons le mot juste, des grossièretés indignes d’un galant homme. M. Sardou, il est vrai, pourra leur prouver son impartialité en montrant ce qu’il a fait du groupe correspondant. M. Chapelard, espèce de sacristain défroqué, tartufe de bas étage, qui se trouve associé on ne sait pourquoi aux intrigues de la brillante Séraphine, est assurément un type du comique le plus épais. Sulpice, dans le monde de la baronne, est une caricature. Une œuvre aussi mélangée, une œuvre où l’esprit alerte et la vulgarité, la passion vraie et le roman équivoque se heurtent à chaque pas, demandait à être enlevée victorieusement. L’auteur ne se plaindra pas de ses interprètes. Mme Pasca, Mlle Antonine, M. Pujol, l’ont heureusement secondé dans une tentative hardie dont ils ont assuré le succès. Bref, la comédie de Séraphine, qui supportera difficilement la lecture, aura sans doute autant de représentations que les œuvres les plus applaudies de M. Victorien Sardou.


F. DE LAGENEVAIS.



ESSAIS ET NOTICES.

LES FINANCES DE LA RESTAURATION.

[[c|Histoire parlementaire des Finances de la Restauration, par M. A. Calmon ; t. Ier, Paris, Michel Lévy. }}


Fils d’un ancien directeur-général de l’enregistrement et des domaines qui a laissé un nom respecté, M. A. Calmon, auteur de ce livre,