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I.

Quand le 4 juin 1831 Léopold de Saxe Cobourg-Gotha fut élu roi des Belges par le congrès national, il se trouvait parfaitement préparé à la mission qu’il était appelé à remplir. Né à Cobourg le 16 décembre 1790, sixième enfant de l’héritier présomptif du duché, Léopold avait été mêlé, tantôt comme militaire, tantôt comme négociateur, à tous les événemens extraordinaires du commencement de ce siècle. Engagé dès l’âge de quatorze ans dans l’armée russe par le crédit de sa sœur Julienne, femme du grand-duc Constantin, il prend part à la campagne de 1805, et assiste, parmi la suite de l’empereur Alexandre, à l’entrevue d’Erfürt. Napoléon l’oblige de quitter le service russe et veut se l’attacher comme aide-de-camp ; mais le jeune cadet, quoique sans ressources, trouve dans son patriotisme blessé la force de se soustraire à un honneur que plusieurs princes ses compatriotes se disputaient. Il se dérobe en Italie à d’humiliantes faveurs ; puis, quand a commencé en Allemagne la guerre de l’indépendance, il s’y jette avec enthousiasme. Il fut, comme il l’a rappelé plus tard, le premier prince allemand qui joignit l’armée libératrice. Placé à la tête d’un corps de cavalerie russe, il prend part à la campagne de 1813 en Allemagne et à celle de 1814 en France. En 1815, il assiste au congrès de Vienne et y obtient par son habileté des avantages pour le duché de sa famille. En 1816, il épouse la princesse Charlotte, la future héritière de la couronne d’Angleterre. Ce mariage se fit sous l’influence de sentimens romanesques, rares en ces hautes et froides-sphères. En 1814, le prince Léopold avait accompagné l’empereur Alexandre dans sa visite à la cour de George III. La jeune Charlotte fut vivement impressionnée par l’esprit et la beauté de Léopold, le plus charmant cavalier de son temps au dire de Napoléon, qui s’y connaissait. Elle refusa le prince d’Orange, qu’on voulait lui faire accepter, et se promit de n’épouser que celui à qui son cœur s’était attaché. Cette heureuse union, enfin accomplie, ne dura guère. Un an après, la princesse Charlotte succomba en accouchant d’un enfant mort-né, et Léopold perdit ainsi, avec une femme qu’il adorait, la position de prince-consort, que son neveu, le prince Albert, devait remplir avec tant de distinction aux côtés de la reine Victoria. Quoique élevé à la dignité de membre de la famille royale et du conseil privé, il persista à vivre retiré dans son château de Claremont, suivant avec attention et réflexion les événemens qui se déroulaient sous ses yeux en Angleterre et sur le continent.

Lors des négociations pour la constitution de la Grèce en 1829, il