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mément à la constitution, en Prusse, contrairement à la constitution, un système de gouvernement qu’on appelle représentatif, et qui à aucun prix ne doit devenir parlementaire. Dans ce système, le souverain gouverne par des ministres qu’il choisit à son gré, les chambres votent les lois et les budgets ; mais il n’appartient pas à la majorité de déterminer la marche des affaires. Sans doute le succès de toute institution humaine dépend des qualités de ceux qui la mettent en pratique, et la pire donnera de bons résultats, si la conduite est toujours habile et la chance toujours favorable ; mais avec le degré de savoir-faire que l’on peut attendre ordinairement des hommes et la mesure de faveur qu’on peut espérer de la fortune, le système soi-disant représentatif doit aboutir au despotisme ou à une révolution. Si le parlement a le droit de voter le budget, inévitablement il voudra que l’argent qu’il accorde serve à une politique qu’il approuve, non à une politique qu’il blâme. Celui qui paie veut être le maître et doit l’être. Si le souverain cède, c’est la majorité qui gouverne, et l’odieux parlementarisme l’emporte ; s’il résiste, ou bien il aura à chasser les chambres par un coup d’état, ou les chambres, appuyées sur le peuple, devront renverser le trône par une révolution. Il n’y a donc pas de milieu entre le despotisme et le régime parlementaire. On peut pendant un certain temps, par l’abus des influences, obtenir des élections favorables ou bien gouverner malgré les chambres, comme l’a fait durant cinq ans M. de Bismarck ; mais il est difficile d’avoir toujours à point un Sadowa pour ramener une opposition récalcitrante, ou pour se faire absoudre de ses torts.

Si celui qui exerce le pouvoir exécutif gouverne effectivement, il devient responsable, et, s’il est responsable, il faut qu’il soit soumis à l’élection. L’action personnelle et la responsabilité conviennent à peine à un président de république ; l’hérédité et la responsabilité sont inconciliables. Qu’un homme qui peut être ou devenir incapable, idiot ou fou, comme George III, ait le pouvoir de disposer à son gré du sort d’une nation civilisée, c’est ce que notre temps se refuse à admettre. Si un souverain a commis des fautes graves ou subi des revers dont on peut le rendre responsable parce qu’il en est l’auteur, son fils, avec la couronne, héritera de son impopularité, et de cette façon il est bien difficile qu’une dynastie s’établisse. Quand ce sont les ministres qui portent le poids d’une administration malhabile ou malheureuse, le parlement les remplace et le principe dynastique reste sauf.

Partout où il y a des hommes qui réfléchissent et non des foules faites pour porter le joug, il se formera un parti qui voudra marcher en avant. Si ce parti ne rencontre devant lui qu’un ministère, il ne sera qu’anti-ministériel ; si l’obstacle réside dans le souve-