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HISTOIRE DES SCIENCES

Ce n’est point ici le lieu de rappeler les innombrables écrits de toute espèce qui sont sortis de la plume de Voltaire pendant sa longue retraite à Ferney, les tragédies de l’Orphelin de la Chine, de Tancrède, d’Irène, les poèmes de la Loi naturelle, de la Destruction de Lisbonne, de la Guerre de Genève, les contes et les romans philosophiques comme Candide, l’Homme aux quarante écus, etc., l’Essai sur les mœurs et l’esprit des nations, le Siècle de Louis XIV, le Dictionnaire philosophique, les articles donnés à l’Encyclopédie, sans compter les éditions de ses ouvrages antérieurs incessamment remaniés, sans compter tant d’œuvres satiriques et polémiques par lesquelles il se défendait contre ses ennemis et les attaquait au besoin, sans compter tant de mémoires rédigés pour la défense des Calas, des Sirven, des La Barre, des Lally-Tollendal, des paysans de Saint-Claude, sans compter enfin cette inépuisable et immortelle correspondance qui est à elle seule un des monumens de la langue française et une des gaîtés de l’esprit humain. Dans sa laborieuse solitude, attentif à tout ce qui se produisait de nouveau en tous lieux et en tous genres, il connut et jugea les diverses opinions émises par les savans de son siècle sur les grands problèmes de la nature. Les vues principales de Voltaire sur les sciences naturelles sont réunies dans un livre qui parut en 1768 et qui portait pour titre : des Singularités de la nature ; c’était une réunion d’articles détachés, de notes diverses, plutôt qu’un traité régulier.

Le livre débute par ces paroles : « On se propose ici d’examiner plusieurs objets de notre curiosité avec la défiance qu’on doit avoir de tout système jusqu’à ce qu’il soit démontré aux yeux ou à la raison. Il faut bannir autant qu’on le pourra toute plaisanterie dans cette recherche ; les railleries ne sont pas des convictions. » Voltaire oublie facilement le dessein qu’il a formé de garder son sérieux ; il remplace trop souvent la discussion par la plaisanterie. En revanche, il suit fidèlement la première partie de son programme, il pousse jusqu’à l’extrême la défiance contre les systèmes. C’est là ce qui constitue, à proprement parler, sa méthode scientifique dans les matières que nous examinons aujourd’hui. Quand nous nous sommes occupé des œuvres de Voltaire relatives à la physique proprement dite, nous avons trouvé chez lui des idées neuves, des vues systématiques, beaucoup d’erreurs par conséquent, mais aussi un certain nombre d’inspirations heureuses ; nous avons constaté que sur plusieurs points il a devancé le progrès de la science et touché du doigt des vérités qui ne devaient être proclamées que longtemps après lui. C’est qu’en physique Voltaire a travaillé par lui-même, il a mis la main à l’œuvre, il a fait des études expérimentales. Or, en faisant des expériences, en découvrant des faits