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elle-même, dit-il ; les meubles de Mme de Maintenon sont encore dans sa chambre, ses livres dans sa bibliothèque, ses écrits dans les archives, son esprit dans toute la maison. Ces pauvres enfans ont fait devant nous leurs touchans exercices avec un ordre, une décence, une régularité, qui me faisaient penser en même temps à la pureté angélique et à la discipline prussienne ! »

Voilà où en étaient les jeunes filles de Saint-Cyr, voilà en mars 1791, leurs innocens travaux. Il eût fallu se préparer à d’autres vertus. On serait injuste, il est vrai, d’oublier que plusieurs femmes de la noblesse française ont su bien mourir sur l’échafaud, et de méconnaître la tradition de dignité, de résignation chrétienne, dont elles avaient hérité et dont elles ont donné de si touchans exemples ; mais Saint-Cyr n’avait-il pas été institué pour régénérer, disait-on, la noblesse et la France ? Or quelle sorte d’influence la royale maison a-t-elle exercée sur la société du XVIIIe siècle ? Elle n’a fait que se fermer à toute lumière nouvelle, n’a servi qu’à transmettre quelques préceptes étroits, inflexibles et stériles. Mme de Maintenon a préparé Louis XIV et la noblesse à mourir non sans quelque grandeur ; c’est quelque chose, c’est beaucoup pour l’honneur. Toutefois son ambition l’avait élevée en un rang et sa destinée l’avait fait vivre à une époque où il eût fallu susciter et vivifier. C’est ce qu’elle n’a pas su faire, et c’est ce qui explique pourquoi sa mémoire est destinée, malgré de solides mérites, à rester enveloppée dans l’ombre de cette fin du règne de Louis XIV, sinistre période qui pèse sur la conscience de la France.


A. Geffroy.