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montrent jusqu’à l’évidence la certitude de cette loi historique. La Néerlande d’autrefois, l’ancienne république confédérée des sept Provinces-Unies, en fut aussi la preuve éclatante. L’introduction de la réforme dans ce pays petit, mais déjà robuste, ne put que fortifier encore son individualité nationale en lui procurant l’inestimable renfort des convictions, qui, plus que tout autre mobile, poussent l’homme aux grands sacrifices, et qui, sous la forme particulière qu’elles revêtirent alors, n’avaient plus rien à démêler avec une autorité étrangère quelconque. Lorsque le patriotisme et la foi religieuse conspirent ensemble, on peut s’attendre à des miracles.

C’est ainsi qu’on vit aux XVIe et XVIIe siècles cette république de marchands épuiser l’Espagne, tenir tête glorieusement à Louis XIV, disputer et même pendant tout un temps arracher aux Anglais l’empire des mers, offrir un suprême refuge à la pensée libre, traquée partout ailleurs, et servir de quartier-général à cette révolution de 1688 qui, en chassant les Stuarts et leur système, arrêta net la sombre réaction absolutiste qui menaçait de transformer notre vivante Europe en une Chine occidentale, inerte, pétrifiée, abêtie comme l’autre. Il est vrai, cette fière attitude ne pouvait toujours se soutenir. À la longue, la puissance supérieure que les grands empires voisins devaient à l’étendue de leur territoire et au chiffre de leur population devait se faire sentir à mesure que les gouvernemens avançaient dans l’art d’organiser et d’utiliser leurs ressources. Le jour où, pour peser fortement dans la balance européenne, il fallut jeter plus de cent mille soldats aguerris sur un même champ de bataille, ce jour-là vit la Néerlande descendre fatalement au rang des puissances de second ordre ; toutefois, en cas de conflit européen, son alliance assurerait encore des avantages très considérables à celle des nations belligérantes qui réussirait à se l’assurer. La Hollande le sait, et c’est pour cela qu’elle ne se presse pas de la promettre.

Il n’est donc pas étonnant que, semblables en cela aux Phéniciens antiques, les Néerlandais, resserrés sur un territoire exigu, mais pleins d’énergie, ayant devant eux la mer libre, soient devenus un peuple de navigateurs au long cours, de hardis marins et de colonisateurs. C’est en qualité de colons qu’ils furent conquérans. Encore aujourd’hui, la Hollande peut passer pour la seconde puissance coloniale de l’Europe. Ses magnifiques possessions des Indes orientales, où quelques milliers d’Européens tiennent en respect quatorze ou quinze millions d’indigènes, ne le cèdent en importance qu’aux colonies anglaises. Elles ne sont pourtant que le reste de son ancienne fortune ultra-marine. Le Cap et les régions voisines, plusieurs états de l’Amérique du Nord, sont de colonisation néer-