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grand œuvre de la commune délivrance. Bientôt, protégée par ses hardis marins et les larges méandres qui la découpent en tous sens, elle fut relativement abritée contre les retours offensifs d’un ennemi qui avait assez à faire dans les autres provinces.

On conçoit que, sorti d’un tel berceau, notre Jacob Cats puisa le patriotisme aux sources les plus directes. Il était le plus jeune de quatre enfans. Sa famille, sans être riche, jouissait d’une grande considération, et son père siégeait dans la magistrature locale. Il appartenait donc par sa naissance à cette bourgeoisie municipale qui, sans être encore constituée à l’état de caste comme elle le devint plus tard, se signalait déjà comme le foyer proprement dit de la résistance à l’autocratie. Il perdit sa mère de bonne heure, et son père se remaria avec une jeune fille du pays wallon. Cats lui-même loue beaucoup les excellentes qualités de sa belle-mère; mais il avait un oncle maternel qui fronça le sourcil quand il vit une Wallone s’asseoir au foyer de son beau-frère et présider à l’éducation des enfans. Il craignit qu’elle ne leur inculquât des mœurs étrangères, et comme il n’avait pas d’enfans à lui, il se chargea de l’éducation de ses neveux avec le consentement de leur père. Ce trait peint le temps et le pays. Cats n’eut au reste qu’à se féliciter du soin consciencieux avec lequel son oncle et surtout sa tante, femme d’un grand sens et d’une grande bonté, s’acquittèrent de leur tâche. On le mit d’abord à l’école à Zierikzée chez un certain Kemp, qui ne put lui en apprendre plus qu’il n’en savait lui-même, c’est-à-dire qu’il en sortit avec un bagage fort léger. Lui-même, dans sa biographie en vers, qu’il composa à l’âge de quatre-vingt-deux ans, nous décrit ainsi son premier magister :


« C’était un homme d’étranges manières, — tantôt grave comme un prince dans sa toute-puissance, — tantôt parlant comme un garçon avec ses camarades. — Quand un de ceux qui avaient passé dans son école — était élevé en honneur et en dignité, — alors il était content, se tenait pour très honoré, — et disait : Ce qu’il sait, c’est moi qui le lui ai appris! »