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il est de son pays, de son temps, de son église, mais tous ceux qui participent à l’esprit moderne peuvent le saluer comme un ancêtre, dire de lui : il est des nôtres !

Ce qui a fait de ses œuvres une littérature populaire et salutaire en dépit d’une certaine trivialité qui tient peut-être au terroir et de quelques grossièretés qu’il faut mettre sur le compte de son temps, c’est l’esprit d’honnêteté robuste qu’elles respirent d’un bout à l’autre. Il y a de l’utilitarisme dans ses jugemens particuliers, il n’y en a pas dans ses principes, et sa recherche de l’utile est toujours dominée par la conviction que rien n’est vraiment utile que ce qui est moralement bon. D’accord avec La Fontaine sur la suprématie de la prudence parmi les vertus quotidiennes, il n’irait pas, comme notre fabuliste, lui sacrifier la dignité. Ce n’est pas lui qui conseillerait au sage de crier selon les gens vive le roi! ou vive la ligue! Le renard n’est point son héros favori. Son sens religieux, beaucoup plus épuré que celui de notre « bon homme, » qui, en fait de religion, n’eut guère qu’une peur atroce de l’enfer, relève ses applications morales, et donne chez lui quelque chose de vénérable à ce genre sentencieux qui autrement risque de tomber dans la pédanterie ou de se traîner terre à terre.

Enfin, et pour achever cette caractéristique générale, signalons le côté fantastique de ses compositions, qu’il fit illustrer de gravures exécutées sous ses yeux et sur ses indications par un graveur, van Venne, qui jouissait en son temps d’une certaine réputation. Ce n’est pas comme dessin, ni même au point de vue de l’art du graveur que ces gravures sont remarquables, bien que les premières éditions en contiennent certaines d’un mérite réel sous le rapport de l’exécution : c’est comme images parlantes, vigoureuses, enfonçant d’un trait dans l’esprit la sentence qu’elles ont pour but de présenter aux yeux. De là le goût passionné des enfans pour vader Cats. De ce côté, Cats donne une main à Callot pour l’étrangeté fréquente des compositions, et l’autre main à Hogarth pour l’impitoyable relief avec lequel il vous montre le vice, ou la difformité, ou le ridicule, ou le contraste qu’il veut dépeindre. Il est une de ces gravures, par exemple, qui compte parmi les meilleures, et qui illustre son poème intitulé Cercueils à l’usage des vivans. Elle doit faire ressortir la vanité de toute beauté, de toute grandeur, de toute sagesse humaine. Elle représente une sorte de grand cimetière où s’élèvent de pompeux tombeaux. Des squelettes drapés dans des manteaux de roi gardent le champ des morts sous des portiques funèbres. Des crânes grimaçans, des ossemens décharnés, jonchent le sol. A droite, des hommes richement vêtus ont soulevé la pierre d’un tombeau et regardent un squelette à côté duquel on lit : Ci git le