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qui elle avait cédé ses droits. L’animosité continua de subsister jusqu’à la fin. 11 ou 12 communes se trouvent aujourd’hui encore, par suite des chocs et des malentendus qui surgirent, grevées envers la compagnie d’une dette de 500,000 francs. Il a fallu au syndicat constitué après l’achèvement des travaux une prudence continuelle et des agens fort intelligens pour administrer ce difficile héritage[1]. Jamais l’opération n’aurait dû être abandonnée à une compagnie se rétribuant elle-même par une portion quelconque du sol.

Le premier désir et le plus grand besoin du pays briéron, c’est, en thèse générale, qu’on le laisse un peu à lui-même, qu’on le trouble le moins possible. Pas trop d’améliorations, oserions-nous dire en un certain sens, car la réglementation dérivant de tout envahissement administratif y aurait bientôt énervé ce que la vie libre conserve encore en cette région de vigueur prime-sautière. Personne n’y repousse du reste les modifications économiques que la situation comporte, et qui se lient aux habitudes locales. On les appelle au contraire de tout son cœur. Qu’il soit impossible nulle part désormais de vivre dans l’isolement et l’immobilité, chacun le conçoit; mais le besoin qu’on a du dehors ne semble point impliquer la nécessité de s’effacer soi-même. Les vœux se portent sur les voies de communication, sur celles-là surtout qui s’adaptent le mieux aux goûts traditionnels. On réclame instamment par exemple un travail bien simple en lui-même, le curage du Bas-Brivet, au-dessous de Rozée, seule voie pour conduire à la Loire les blains chargés de mottes. Depuis quelques années, le chenal s’est tellement envasé qu’il est devenu impraticable hors du temps des grandes marées de quinzaine. Le devis no porterait que sur une longueur de 6 ou 7 kilomètres. Est-ce trop demander? Ne doit-on pas espérer la prompte réalisation de ce désir? Mais si l’on veut que la vase ne s’accumule point de nouveau dans le chenal, on devrait y ménager un courant, et pour cela y ramener les eaux que le canal de Trignac a eu le fâcheux effet d’en détourner.

Un autre vœu se rapporte à certains périls auxquels sans doute le lecteur ne s’attend guère. Croirait-on que ce pays si peu boisé, placé à quelques kilomètres de la Loire, de Saint-Nazaire, d’une grande ligne ferrée, est encore aujourd’hui inquiété par les loups? Cela est vrai néanmoins, et le nombre de ces hôtes malfaisans s’est même tellement accru depuis plusieurs années qu’il a fait baisser la valeur locative des herbages dans les marais de Donges, où l’on

  1. Le niveau du sol n’a pas permis du reste un dessèchement complet, mais, grâce à des canaux qui n’ont pas moins de 80 kilomètres de développement et dont la moitié porte bateaux, l’inondation ne dure que deux ou trois mois chaque année, au lieu de sept ou huit comme dans la Brière.