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pièce habitée. Telle est cependant la force de l’habitude que personne ne songe à se plaindre. C’est à l’intervention spontanée de quelques propriétaires soigneux et prévoyans qu’on doit de récentes constructions tranchant avec l’ancien système, et offrant çà et là d’excellens modèles à suivre.

La réforme de certains usages domestiques non moins fâcheux sera plus difficile à obtenir, parce qu’elle dépend exclusivement des familles rurales. On a, par exemple, l’habitude d’avoir des lits à deux étages, appelés lits à coulisses, disposés à peu près comme les couchettes dans les paquebots transatlantiques. Seulement, au lieu d’être fort étroits et affectés à une seule personne, ces lits sont très larges et destinés à plusieurs. Le lit du second étage est si haut qu’on n’y monte qu’en se hissant sur un coffre, parfois même à l’aide d’une échelle. On a besoin d’une certaine adresse pour s’y glisser sans se frapper la tête contre le plafond. L’air s’y renouvelle difficilement. Ce vicieux arrangement ne vient pas de ce que la place manque à des familles nombreuses, non, car on exhausse presque à la même hauteur les lits simples. On a recours à des fascines de sarment qu’on étend sous la paillasse, et dont l’élasticité naturelle se prête assez bien d’ailleurs à cet emploi. C’est en cas de maladie que l’inconvénient devient le plus sensible. Le médecin est obligé de se livrer à une véritable gymnastique pour atteindre jusqu’au malheureux qui souffre, et dont il a peine à constater l’état.

Comment disparaîtront ces regrettables et bizarres coutumes? Point de doute, c’est le progrès matériel, c’est le mouvement économique qui les détruira. Rien ne fait mieux juger du bien qu’il est susceptible de produire que la vue du mal qu’il n’a pas encore réussi à extirper. Avions-nous tort d’affirmer dès le début qu’un lien intime unit les améliorations concernant la vie matérielle à celles qui embrassent la vie morale elle-même? Les transformations opérées déjà dans le groupe des populations rurales de la Basse-Loire ne proclament-elles pas assez haut, malgré les lacunes qui existent encore, qu’en fin de compte le changement leur a été favorable dans la double sphère de leur existence? En fait d’améliorations agricoles, l’impulsion, nous l’avons dit, était venue des initiatives individuelles, de l’exemple de quelques propriétaires, suppléant à l’instruction absente chez les masses. Une cause toute matérielle a puissamment concouru d’un autre côté à hâter le progrès, c’est le renouvellement à peu près complet des voies de communication. Toute la région du bas de la Loire a été dotée d’un système de routes fort bien entendu, où du moins les erreurs à relever sont peu nombreuses. Le point de départ de cette régéné-