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de Picardie et en Normandie les persécutés avaient plus de partisans que les persécuteurs. L’Université, consultée sur les douze propositions de Bédier, ne les condamna pas; on ne put toutefois obtenir d’elle qu’elle consentît à les approuver; elle ne prononça pas de jugement, ce qui fut pour Berquin presque une autre victoire, puisque pour Bédier ce fut un échec.

Assurément il y avait partout des novateurs; mais, partout répandus et toujours croissant en nombre, ils inspiraient chaque jour plus d’inquiétude aux tuteurs officiels de l’orthodoxie religieuse, et, n’étant encore nulle part le plus gros bataillon, ils auraient été facilement écrasés, s’ils n’avaient été protégés par le roi. Il s’agissait donc pour les adhérons du parti contraire de faire entrer dans l’esprit du roi que ces novateurs étaient des séditieux qu’il fallait enfin renoncer à défendre, dans l’intérêt de sa puissance et de la paix publique. S’il préférait les écrits des lettrés ingénieux, érudits, qui savaient le grec, comme Lefebvre, comme Érasme, aux compilations scolastiques des lourds pédans de la Sorbonne, il devait, d’un autre côté, se laisser persuader qu’en ce qui regarde l’administration de l’état un roi ne peut régler sa conduite sur ses goûts littéraires. Or dans quelle situation s’étaient mis les princes d’Allemagne qui avaient trop incliné vers les beaux esprits! En quel trouble étaient les nations révoltées contre la tyrannie des cuistres !

François avait horreur de toute sédition. C’était habilement lui parler des novateurs que de lui dire qu’ils pourraient un jour porter dommage à son autorité. On l’a vu d’ailleurs, jamais il n’a pris leur défense que pour faire valoir contre le parlement cette autorité sinon menacée, du moins injurieusement méconnue. Si le parlement de Paris n’avait pas mis tant d’ardeur à les poursuivre, il en aurait mis, pour sa part, beaucoup moins à les protéger. Qu’ainsi le parlement se désiste de toute initiative et s’efface devant le roi, le roi, sans aucun doute, se montrera bien plus favorable aux intérêts de l’église, qui sont si chers au parlement. Cette magistrature, composée de clercs et de laïques en égal nombre, avait plus d’audace que de dignité. Dès qu’elle eut pris le parti de s’incliner devant le roi pour le dompter, elle s’inclina très bas. Entendons au lit de justice du 24 juillet 1527 ce président Charles de Guillard, qui l’année précédente traitait avec un si grand dédain les lettres du roi. Il lui dit aujourd’hui : « Nous ne voulons disputer de votre puissance, ce serait espèce de sacrilège, et savons bien que vous êtes par-dessus les lois, et que les lois ou ordonnances ne vous peuvent contraindre... » Il lui dit encore, ajoutant à cette apologie du despotisme la plus grossière flatterie pour le despote ; « Dieu