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bles à qui il aurait volontiers permis d’adorer Dieu à leur manière, s’il avait été abandonné à ses propres inspirations; on lui montrait des sujets révoltés, des sujets d’autant plus dangereux que, placés à l’extrême frontière de ses états, ils pouvaient servir de point d’appui aux entreprises de l’étranger; il fallait les soumettre à tout prix. L’édit du 25 juin avait accordé quinze jours pour livrer les bannis. Avant l’expiration de ce délai, le 29 juin, 6 régimens, commandés par le marquis de Fleury, pénètrent dans les vallées et tentent de s’emparer de la montagne de la Vachère en combinant l’attaque avec la garnison de la forteresse, qui monte vers le même point par le Roccamanéot. Les guerres antérieures avaient révélé l’importance stratégique de la Vachère. C’est là que s’étaient reformés et organisés les échappés des Pâques piémontaises. Pour y arriver, il fallait franchir les Thermopyles vaudoises, le fameux défilé des portes d’Angrogna. Janavel le fit couper par des retranchemens en terre, et y posta 60 hommes destinés à mourir pour retarder la marche de l’ennemi. « Là, dit-il en les quittant, vous arrêteriez une armée, et vous couvrirez à la fois la Vachère et le Roccamanéot. Allez, priez et tenez ferme. » Ils tinrent ferme en effet, et toute une journée ils arrêtèrent les régimens du marquis pendant que le héros vaudois, fuyant devant le comte de Bagnolo, l’attirait sur les pentes du Roccamanéot jusqu’à un lieu élevé et hérissé de rochers et de buissons où il avait caché une partie de sa troupe. Les Piémontais viennent donner dans cette embuscade; une fusillade meurtrière les arrête tout à coup au moment où ils se croyaient sûrs du triomphe, et met le désordre dans leurs rangs. Janavel crie alors en faisant allusion aux batailles bibliques de Barac et de Débora : « C’est ici notre Thabor, ô Dieu, couvre-nous de ta puissante main ! » et, s’élançant le sabre au poing, il rejette sur le flanc de la montagne l’ennemi débandé. Au lieu de le poursuivre, il remonte en toute hâte vers le défilé que gardent ses 60 braves. Leur situation était des plus critiques. L’ennemi, ne pouvant les déloger par une attaque de front, s’était d’abord couvert d’un retranchement semblable au leur, ce qui lui avait pris beaucoup de temps, puis, se hissant sur un côté du défilé, il allait tourner la position. Déjà les vaudois, dont le nombre est fort réduit, reçoivent d’en haut les feux plongeans, ils vont périr jusqu’au dernier. C’est alors que Janavel apparaît avec sa bande victorieuse sur les hauteurs escaladées par l’ennemi. Il prend en écharpe les 6 régimens, et les force d’abandonner la position en laissant sur le champ de bataille 600 hommes tués ou blessés.

Après cet échec, la propagande suggéra au duc de Savoie un nouvel édit par lequel les vaudois étaient déclarés rebelles, coupa-