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corps législatif pour assurer la vraie liberté, » et son discours de lundi prochain à l’ouverture des chambres doit être, dit-on, la confirmation de la politique inaugurée par la lettre du 19 janvier 1867, — probablement sauf les déceptions qui ont suivi la lettre du 19 janvier. Tout marche donc, nous en convenons volontiers. Il s’élève par momens du sein d’un pays un certain souffle auquel il est difficile de se soustraire. Seulement, et voilà où commence le danger, le changement est encore plus à la surface que dans le fond des choses.

Le gouvernement, pour tout dire, ressemble à une machine puissante qui s’orienterait dans un sens, et dont les rouages continueraient à fonctionner dans un autre. Sans se l’avouer peut-être, il prétend entrer dans une ère de liberté modérée avec ses traditions discrétionnaires, et rester un gouvernement personnel en devenant un régime semi-parlementaire. Nous nous souvenons qu’un jour, l’an dernier, le regrettable M. Lanjuinais, qui vient de mourir subitement, parlait de l’Algérie avec une connaissance profonde de la question africaine, avec un zèle d’exactitude où éclatait sa probité politique, et il montrait comment on avait disposé d’une partie du domaine de l’état par un simple acte de bon plaisir, sans se demander si on avait ce droit, s’il ne fallait pas par hasard une loi. Cet esprit consciencieux et modéré paraissait étonner profondément les orateurs officiels, et il mettait en réalité, sans nulle intention de taquinerie, le doigt sur la plaie. C’est là précisément le mal dont nous souffrons dans cette période de transition où nous sommes, entre un régime presque autocratique, qui n’est plus de saison, et un régime de garanties plus efficaces, de discussion plus libre. On croit être libéral, nous n’en doutons pas, on veut sérieusement l’être, surtout si cela ne coûte rien, et en même temps toutes les habitudes d’omnipotence discrétionnaire, si enracinées, si vivaces à tous les degrés de la hiérarchie, ont de la peine à céder devant les irrésistibles nécessités d’une situation nouvelle ; elles persistent à travers tout, et se laissent surprendre en flagrant délit. On ne songe pas que ce qu’on a pu faire sans contrôle et sans contestation pendant seize ans, on ne peut plus le faire aujourd’hui en présence d’une opinion devenue susceptible, armée du droit de rechercher les abus dont elle a souffert. De là ces confusions qui éclatent parfois et qui seraient presque plaisantes, s’il ne s’agissait pas après tout des intérêts les plus sérieux. De là aussi ces incidens qui se succèdent et qui ne sont rien autre chose que la suite de ces confusions. Un jour, c’est la transformation du Journal officiel, cette métamorphose sur laquelle un député, M. Guéroult, a écrit une brochure instructive, et qui a fini par un arrêt du tribunal de commerce maintenant l’ancien Moniteur en possession de son titre. Nous ne méconnaissons certes pas le droit qu’a le gouvernement de régler le mode des publications officielles, et nous méconnaissons encore moins le soin qu’a pris M. le ministre d’état de recourir à l’adjudication publique ; il ne reste pas moins une