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Je trouve le modèle parfait de ce dévoûment patriotique, mêlé de quelques réserves (pour la forme plus que pour le fond), dans le fragment suivant tiré d’un livre écrit par l’un des plus estimés de ces prélats américains. L’évêque de Philadelphie, M. Henrick, mort récemment, avait entrepris d’exposer dans un ouvrage savant l’histoire de la primauté du saint-siège. La suite de son récit le conduisit naturellement à étudier la constitution politique et religieuse de l’Europe au moyen âge, et à mettre en lumière les bienfaits que le monde chrétien avait dus, dans cette laborieuse époque d’enfantement social, à l’alliance intime de l’église avec les monarchies de l’ancien monde. Au moment de conclure cette défense du passé, conçue à un point de vue purement historique, l’évêque-citoyen est soudainement arrêté par la crainte qu’on ne le soupçonne de réclamer ou même d’espérer tout bas pour son pays, dans un avenir quelconque, le retour au régime qu’il a décrit, et il va au-devant de cette absurde supposition avec une noble franchise.

« En reconnaissant, dit-il, les.avantages qui résultaient pour la religion et la société de leur mutuel respect, harmonie et soutien, lorsqu’elles étaient unies ensemble par les liens d’une même foi religieuse, il ne faudrait pas supposer que je me fais l’avocat du même ordre de choses dans des conditions de société tout à fait différentes. L’église respecte et soutient toujours les pouvoirs établis, en dehors de tout retour de protection ou de faveur. Les prières des premiers croyans étaient offertes en faveur d’un empereur païen, et l’on regardait comme un crime de résister à ses ordres ou de violer ses lois. Sous un gouvernement comme celui des États-Unis, qui n’est lié à aucune société religieuse, mais qui protège également toutes les classes de citoyens et les fait jouir des mêmes droits, le devoir de l’obéissance est encore plus manifeste. Les catholiques n’ont jamais conçu le moindre désir de changer cet état social établi par la constitution, mais au contraire ils ont toujours été opposés à tout ce qui s’éloignerait de la lettre et de l’esprit de ces lois. En traitant des âges anciens, j’ai dû faire ressortir les principes généralement admis alors ; j’ai éclairé par eux les faits de l’histoire, sans me charger de les concilier avec les théories modernes. Je ne suis cependant pas insensible aux maux et aux calamités qui résultaient de cet état de choses, et je suis loin de regretter que, dans notre état actuel de société, l’église, pour jouir de son indépendance, doive faire le sacrifice des faveurs que l’état lui accordait autrefois. Ami de l’ordre et de la paix, je veux qu’on sache que j’accepte pleinement et loyalement la constitution sous laquelle nous vivons. Nous ne demandons aucun privilège, nous n’aspirons pas à la domination, nous ne demandons qu’une