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libérer dans un temps donné. Dans son Projet pour rendre les rentes sur l’état d’un commerce plus facile et plus fréquent, il proposait toutes les facilités usitées de nos jours soit pour donner faveur aux rentes sur l’état, soit pour activer la circulation en remplaçant la monnaie. « Le bureau des comptes en banque d’Amsterdam, disait-il, est un dépôt public où chaque dépositeur a sa feuille dans le registre de la banque pour y faire mention de ce qu’il en diminue par les transports qu’il fait ou de ce qu’il y ajoute par les transports que lui font les autres ; je souhaiterais fort de voir un établissement semblable à Paris, pour épargner le transport des sacs d’argent, pour éviter la garde dangereuse et inquiétante de l’argent, pour éviter la numération perpétuelle de l’argent. » Cet exemple de la Hollande revenait souvent sous sa plume. Dans son Projet pour renfermer les mendians, où il traçait l’esquisse de nos dépôts de mendicité, il l’invoquait encore.

C’est une question fort délicate que celle de ses opinions religieuses. Voltaire, qui ne se gênait pas pour prêter aux autres ses propres idées, a publié dans le Dictionnaire philosophique un soi-disant credo qu’il prétend avoir copié sur un des manuscrits inédits de l’abbé. Ce credo est rédigé dans un style leste qui trahit sa véritable origine. Voltaire le termine par ces mots : « nous rapportons historiquement ce symbole de l’abbé de Saint-Pierre sans l’approuver ; nous ne le regardons que comme une singularité curieuse, et nous nous en tenons avec la foi la plus respectueuse au véritable symbole de l’église. » À plusieurs reprises, Voltaire revient à la charge pour affirmer que l’abbé professait un pur théisme. C’est possible et même probable ; mais dans aucun de ses écrits il n’a fait lui-même une pareille profession de foi. Tout ce qu’on peut dire, c’est que, sans attaquer précisément le dogme, il s’en montre fort peu préoccupé. Ce qu’il appelle l’essentiel de la religion est pour lui tout entier dans ce passage du sermon sur la montagne : « faites aux autres ce que vous voudriez qu’ils vous fissent, voilà la loi et les prophètes. » Il a soin de faire remarquer que Jésus-Christ dit non pas : « Voilà une partie de la loi, » mais : « Voilà la loi. » Toutes les fois qu’il parle du christianisme, il le ramène à cette formule souveraine.

Dans l’opuscule intitulé Projet pour rendre les sermons plus utiles, il insiste beaucoup afin que les prédicateurs fassent moins de théologie et s’attachent surtout à prêcher la morale de l’Évangile. C’est là qu’il se servit pour la première fois du mot bienfaisance, que d’anciens écrivains avaient employé, mais qui était tombé en désuétude. « J’ai cherché, dit-il, un terme qui nous rappelât précisément l’idée de faire du bien aux autres, et je n’en ai point trouvé de plus propre pour me faire entendre que le terme de