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ne contenait pas un certain paysage de Ruysdaël dont nous parlerons en son lieu. Puisque nous avons l’occasion de nommer le musée van der Hoop, nous en profiterons pour réparer sans plus de retard une légère injustice dont souffre cette collection. Elle est trop ordinairement placée au second rang parmi les musées d’Amsterdam ; à notre avis, elle mérite d’être placée au premier. Certes la Trippenhuys est une collection bien riche, mais je n’hésite pas à dire qu’elle est beaucoup plus intéressante encore pour l’historien, l’érudit, l’homme sensible à la poésie du passé, que pour l’artiste et l’homme sensible aux choses de la nature. Ce qui fait la richesse de la Trippenhuys, c’est sa collection de portraits, qui vaut à elle seule la peine qu’on fasse, et plusieurs fois, le voyage d’Amsterdam. Là, tous les grands personnages de la Hollande, et avec eux une foule de grands acteurs des autres pays, livrent au spectateur avec leurs visages une partie des secrets de leur âme. Oh ! la riche mine que cette galerie pour l’érudit qui possède un grain de poésie ! Voici tous les Orange, depuis le premier jusqu’au dernier, le grand Guillaume au sérieux et paternel visage, le froid et politique Maurice, Frédéric-Henri, Henri-Casimir aux longues jambes, Guillaume III d’Angleterre au beau et maladif visage. Voici Ruyter, l’amiral Tromp et sa charmante femme, œuvres de ce peintre au doux nom, Mytens ; voici Grotius et la bonne myfraw de Groot, Barneveldt, myfraw de Barneveldt, œuvre remarquable de Moreelse, Cats, Jean et Cornelis De Witt, et cette si grotesque figure, Andries Bicker, Andrieszoon, bailli de Muiden, jeune poussah aux instincts innocens et bons, chef-d’œuvre de van der Helst. Si vous avez une tournure d’esprit romanesque, vous vous arrêterez longtemps devant certains portraits de plus ancienne date, par exemple celui du pauvre Franz van Borselen, qui expia si chèrement l’honneur d’être aimé de Jacqueline de Bavière, dont le portrait se voit tout près du sien. Et en dehors des personnages hollandais que de beaux portraits ! Celui de la reine Elisabeth jeune, par Pourbus, par exemple, n’est-il pas le plus éloquent des plaidoyers en faveur de la beauté de cette reine ? On conçoit vraiment que cette éblouissante blonde ait tenu à ne céder à personne la palme de la beauté, et l’on se dit que les complimens des poètes et des seigneurs de son temps n’étaient pas tous des hyperboles et des flatteries. Elle est bien magnifique aussi, la toile où Van Dyck a représenté deux des enfans de Charles Ier à un âge un peu plus avancé que celui de son célèbre tableau si connu, le petit prince de Galles, le futur Charles II, et Henriette-Marie, notre future madame Henriette, duchesse d’Orléans. Mais quelle est cette petite fille désignée sous l’appellation anonyme de la petite princesse, dont Moreelse a fait le portrait, un