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du moment. Si les représentans des diocèses de la catholicité entière s’étaient en 1811 rencontrés tous dans les salons de l’archevêché de Paris, ils eussent probablement adopté, non sans quelque embarras peut-être, car elles dataient de plus de deux siècles et demi, les règles qui avaient présidé au dernier concile œcuménique, c’est-à-dire à celui qui fut tenu à Trente en l’année 1545. D’un autre côté, si les évêques de France y avaient été seuls convoqués, ils auraient pu s’aider d’un nombre suffisant de précédens historiques, assez divers, il est vrai, et passablement confus, propres néanmoins à les éclairer sur la marche autrefois suivie en pareille circonstance dans les provinces de l’ancienne Gaule ; mais la réunion simultanée de trois clergés différens, dont un seul, celui de l’empire français, était au grand complet, ne formait pas, à proprement parler, un véritable concile national. Par le nombre et par l’origine étrangère des prélats convoqués, « il était, suivant les expressions de l’abbé de Pradt, beaucoup moins qu’un concile œcuménique, mais aussi beaucoup plus qu’un concile privé national ou autre[1]. » De là mille perplexités pour ceux qui avaient reçu mission de la part de l’empereur de lui indiquer la façon dont il fallait procéder aujourd’hui. On avait bien trouvé, en remontant jusqu’à Charlemagne, dont le nom revenait si fréquemment sur les lèvres de Napoléon et dont les exemples avaient acquis tout à coup une si grande autorité, on avait trouvé, dis-je, un concile composé d’évêques appartenant à diverses nationalités solennellement tenu à Francfort devant le grand empereur d’Occident et pour ainsi dire sous sa présidence. C’était un précédent terriblement ancien, et depuis lors les temps avaient quelque peu changé. En parcourant les parchemins poudreux ramassés dans les trésors de nos vieilles abbayes et que déchiffrait pour eux M. Daunou, le directeur des archives impériales, le ministre des cultes, M. Bigot, et les évêques attachés au parti de la cour n’avaient pas tardé à reconnaître que les assemblées de ces temps reculés avaient été mi-partie religieuses et mi-partie politiques. Non-seulement Charlemagne y avait joué un rôle prépondérant, ce qui n’était pas fait pour effrayer l’empereur ; mais cette intervention avait été directe, patente et toute personnelle, ce qui était un peu plus embarrassant. Les dignitaires du clergé n’y avaient pas seuls figuré. ; les plus hauts personnages de la cour y avaient également été convoqués. Or, s’il eût volontiers, à l’instar de Charlemagne, signé le décret ou, comme on disait alors, le canon portant condamnation apostolique à l’égard d’un certain duc de Tassillon coupable de s’être révolté contre le

  1. Histoire des Quatre Concordats, t. II, p. 478.