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autre langue que la sienne, et il ajoute : « Elle ne savait la sienne que par l’usage ou par instinct. » On verra pourtant qu’elle la savait très bien.

A l’âge de vingt ans, Mlle de Brancas fut mariée le 13 février 1736, à Jean-Anne-Vincent de Larlan de Kercadio, comte de Rochefort, que nos documens indiquent comme étant né le 2 novembre 1717, et qui par conséquent aurait eu un an et demi de moins que sa femme. C’était le fils d’un président à mortier du parlement de Bretagne. Avant son mariage, il est qualifié cornette des chevau-légers, et après son mariage mousquetaire de la première compagnie. Saint-Simon nous parle du président de Rochefort, son père, comme d’un des principaux moteurs de la résistance du parlement de Bretagne aux opérations de Law. Mandé à Paris par lettre de cachet, puis exilé à Auch, et finalement compromis plus ou moins dans la conspiration de Cellamare, il reçut ordre en 1720 de vendre sa charge. Ces Larlan de Kercadio ne paraissent appartenir ni aux anciens Rochefort-Rieux de Bretagne, ni aux Rohan-Rochefort, ni à la famille du maréchal qui porta ce nom sous Louis XIV, car il s’appelait d’Aloigny. Du reste, ce nom de Rochefort se retrouve au XVIIIe siècle chez un assez grand nombre de personnes plus ou moins notables, originaires de provinces très diverses et qui n’ont entre elles aucun lien de parenté. Il ne faut donc pas confondre la comtesse de Rochefort-Brancas, dont il s’agit ici, avec cette comtesse de Rochefort dont il est souvent question dans la correspondance de Voltaire, qui était liée avec d’Alembert, et que le patriarche de Ferney appelle en 1770 Mme dix-neuf ans, Notre comtesse de Rochefort était de beaucoup l’aînée de celle-là.

Est-ce par inclination que Mlle de Brancas épousa ce gentilhomme breton âgé de dix-huit ans et demi ? Cela paraît fort douteux, car dans les lettres assez nombreuses que nous avons d’elle, et qui appartiennent, il est vrai, à la dernière moitié de sa vie, il n’y a pas le plus léger souvenir de son mari. Était-ce un mariage d’intérêt que le marquis de Brancas, commandant de la province de Bretagne, mais plus riche de ses places que de sa fortune personnelle, avait arrange pour sa fille ? S’il en est ainsi, ce calcul ne réussit guère, puisque Mme de Rochefort, restée bientôt veuve et sans enfans, fut un instant assez pauvre pour que le marquis de Mirabeau lui écrive bien longtemps après, en 1764, faisant allusion à une période de sa jeunesse : « Je vous ai ouï dire qu’un jour ou qu’une année où vous n’aviez que deux mille livres de rente, vous riiez ni plus ni moins. » Nous n’avons pas pu déterminer au juste a quelle date Mme de Rochefort perdit son mari. L’énorme journal de cour que l’on vient de publier en dix-sept volumes sous le titre de