Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/682

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

parlement de Normandie, M. de Formont, qui fut l’ami de Voltaire. Les personnes dont il s’agit ne sont désignées que par des initiales, mais ces initiales ne peuvent, à notre avis, s’appliquer qu’aux Brancas et à Mme de Rochefort. Il va sans dire aussi que M. de Formont, écrivant à Mme du Deffand, prend parti pour elle.


« Vous vous établissez donc à Sceaux, madame, avec d’Alembert ? Je suis fâché que Mme de Staal n’y puisse être en tiers : vous trois en vaudriez bien d’autres, vos conversations n’auraient sûrement pas le tour de celles des Br… (Brancas). Vous avez grande raison dans le jugement que vous en portez, ils sont toujours occupés à être fins, et les choses les plus rondes, ils les rendent pointues par les paroles, ce qui, comme vous dites, est de très mauvais goût et de plus fort aisé. C’est le tour d’esprit du temps, et surtout de leur petite académie, où l’on regarde le siècle passé comme n’étant qu’à l’enfance de l’esprit. Mme de R… (Rochefort) redeviendrait aimable entre vos mains, parce que la nature l’a faite pour l’être, et qu’elle est assez bien née pour suivre de bons guides ; mais elle n’a pas d’elle-même assez de lumières pour reconnaître le mauvais. Je conçois que vous vous êtes laissée aller au premier mouvement, mais je ne comprends pas comme elle y a résisté. Il faut que ceci soit la suite de quelque grand système de conduite, car ce sont encore de grands philosophes en fait de conduite, comme il y a assez paru. Quoi qu’il en soit, il faut attendre et très tranquillement. »


La rupture entre Mme de Rochefort et Mme du Deffand, déjà indiquée dans cette lettre, ressort plus visiblement encore d’une lettre de d’Alembert écrite en 1753 ; mais, quelles que soient les causes et la date de cette rupture, il est certain qu’en juillet 1742 Mme du Deffand manifeste beaucoup d’amitié pour Mme de Rochefort, qu’elle appelle, sans doute à cause de la différence de leur âge, du sobriquet de petit chat ou minet, et, comme elle est éloignée de son amie, le président l’informe de tout ce qui touche celle-ci. Parmi les détails qu’il donne sur elle, il en est un auquel il faut s’arrêter d’abord, car il semblerait indiquer que le cœur de la jeune veuve du comte de Rochefort serait à cette époque engagé dans un attachement qui n’a pas pour objet celui qu’elle épousera quarante ans plus tard, quoique le duc de Nivernois fasse déjà partie de sa société habituelle[1]. La première lettre du président Hénault à Mme du Deffant, datée du 2 juillet 1742, contient les passages suivans :

  1. Il est absent de Paris à cette date, mais on parle assez souvent de lui dans la correspondance de 1742, et nous voyons dans nos documens particuliers que dès 1738 il jouait avec Mme de Rochefort dans les comédies représentées à l’hôtel de Brancas. En 1742, on pourrait croire qu’il est, pour employer un mot du temps, embarqué avec Mme de La Vallière, car Mme du Deffand écrit en parlant d’elle, à la date du 20 juillet 1742, cette phrase : « le Nivernois ne la hait pas, et je crois qu’il n’en aime point d’autres. »