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duc de Nivernois, peint d’Ussé vieux, cassé, le dos en arc, disputant sur la médecine, affirmant l’existence de six mille vérités, et souvent un peu radoteur. Quand le marquis de Mirabeau se répète dans ses lettres à Mme de Rochefort, il ajoute : « Pardon, madame, prenez que ce soit d’Ussé. » Lorsque d’Ussé fut mort, en 1772, Mme du Deffand, annonçant cette nouvelle à Walpole, lui dit : « Vous rappelez-vous l’avoir vu chez le président ou chez Mme de Rochefort ? C’était un vieillard de mon âge, distrait, ennuyeux, assez fou, et qui avait de l’esprit, grand partisan de Mlle de l’Espinasse. » Si l’incident qui avait occupé Mme du Deffand trente ans auparavant avait eu de l’importance, s’il en était résulté entre d’Ussé et Mme de Rochefort des rapports tant soit peu semblables à ceux du président et de Mme du Deffand, celle-ci, au moment où elle parle de Mme de Rochefort et de d’Ussé, avec lesquels elle est brouillée, aurait-elle manqué d’écrire à Walpole quelque malice à ce sujet ? Il nous semble que le peu qu’elle dit sur d’Ussé dans cette circonstance est une probabilité de plus que l’incident de 1742, s’il signifie quelque chose, signifie tout au plus qu’à l’époque de sa jeunesse Mme de Rochefort a songé un instant à se remarier avec d’Ussé. Après cela, quand on est en présence d’un problème de ce genre, problème qui se retrouvera bientôt et plus embarrassant encore à propos du duc de Nivernois, quand on a examiné consciencieusement le pour et le contre, il faut craindre en tout temps, et surtout au XVIIIe siècle, de trop abonder aussi bien dans le bon sens que dans l’autre, et se souvenir du mot de la marquise de Lassay à son mari, qui l’impatientait en se prononçant avec trop d’énergie pour la vertu plus ou moins discutée d’une femme célèbre : « comment faites-vous, monsieur, pour être si sûr de ces choses-là ? »


II

Ce n’est pas seulement ce léger épisode de sentiment qui nous intéresse dans les lettres écrites par le président Hénault en 1742 sur la société qui se réunissait au château de Meudon. On voit cette société occupée des grandes et des petites affaires du temps. Les petites l’occupent, il est vrai, autant que les grandes. La question de savoir si le discours que vient de prononcer le duc de Richelieu, reçu à l’Académie française avant d’avoir écrit autre chose que des billets doux, est ou n’est pas du genre académique, la présentation à la cour de Mme de Forcalquier, investie par exception des honneurs du tabouret sans être duchesse, paraissent des sujets aussi importans que la triste situation de nos affaires en Allemagne, où nous sommes engagés contre l’Autriche, sur les excitations du